L’Union européenne néglige la lutte contre la contrefaçon

Le rapport annuel de l’Office européen pour la propriété intellectuelle regrette le manque d’engagement de certains pays européens dans la lutte contre la contrefaçon. Une activité frauduleuse qui se professionnalise et saisit les opportunités offertes par la mondialisation.

Les statistiques sont trompeuses. La contrefaçon se porte bien. Elle se professionnalise. Le rapport annuel conjoint de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et d’Europol affiche bien une baisse des saisies de produits piratés aux frontières de l’Union en 2017. Le nombre de saisies en douanes s’est établi à 57.433 contre 63.184 en 2016 et 95.194 en 2014. Que ce soit en nombre d’articles, en valeur et en nombre d’articles par saisie, la tendance est en recul.

Une priorité prise en défaut

Mais la réalité est toute autre. « Souvent considérées comme un crime sans victime », pour de nombreux pays européens, les fraudes « à la propriété intellectuelle ne font pas partie de leurs principales priorités ». Et au niveau européen, « la contrefaçon a été éliminée des priorités du cycle politique de l’Union européenne en matière de criminalité grave et organisée 2017-2021, ce qui a probablement entraîné une diminution du nombre d’enquêtes et d’opérations effectuées ». Un comble alors que la contrefaçon coûte cher à l’Europe en termes d’emplois.

Les contrefacteurs qui se professionnalisent auraient donc de beaux jours devant eux. Les activités criminelles de contrefaçon sont menées par « des réseaux de crime organisé de plus en plus professionnalisés » et la fabrication en Europe de produits piratés est « une tendance croissante », selon l’étude. La Chine, principale pourvoyeuse de contrefaçons au monde, ouvre de nouvelles opportunités avec son projet de nouvelles routes de la soie. « Le nombre croissant de liaisons ferroviaires entre la Chine et l’Union européenne, offre aux faussaires une possibilité de diversifier leurs itinéraires et leurs méthodes de transport », souligne l’EUIPO. Le transport de marchandises par chemin de fer est beaucoup plus rapide que le transport maritime et bien moins cher que le transport aérien, ajoute l’Office. Or, le nombre de saisies par rail est encore très faible, regrette-t-il. Il est probable qu’un nombre croissant de marchandises piratées puissent arriver aux frontières extérieures de l’est de l’Union européenne par train puis être distribuées dans toute l’Europe.

La mondialisation à l’œuvre

Les saisies seront par ailleurs difficiles à réaliser en raison de la mondialisation. L’éclatement des chaînes de valeur n’a pas de secret pour les groupes criminels organisés. Des envois réguliers de bouteilles de vin vides, de produits de contrefaçon non finis, de produits non étiquetés, d’étiquettes et de composants sont repérés. Ces produits « sont probablement retravaillés et utilisés pour la production de contrefaçons au sein même de l’Union européenne ». Par exemple, les contrefacteurs remplissent les bouteilles vides avec du vin bas de gamme ou des spiritueux frelatés, puis étiquettent les bouteilles avec des marques luxueuses ou coûteuses.

La contrefaçon dans le secteur vinicole

Les douanes européennes ont du pain sur la planche en perspective. Car, dans l’Union, selon l’estimation d’EUIPO, les contrefaçons et les produits pirates pourraient représenter jusqu’à 6,8 % des importations pour une valeur de 121 milliards d’euros. Un montant en « nette augmentation ces dernières années ». La face cachée de la contrefaçon reste à découvrir.

Richard Hiault
Les Échos (12/06/19)