Les arcanes du métier de Conseiller en propriété industrielle

Le Petit Journal de Singapour | Par Catherine Soulas Baron | Publié le 23/06/2019 à 14:15 | Mis à jour le 24/06/2019 à 10:07

Le Petit Journal est allé à la rencontre de Stéphanie Leparmentier, Conseillère Régionaleen Propriété Intellectuelle, détachée par l’INPI depuis décembre 2016, au Service Economique de l’Ambassade de France à Singapour. Une tête bien faite avec déjà une jolie carrière à son actif. Elle nous révèle les arcanes de sa profession.

Le métier de Conseiller en propriété industrielle n’est pas forcément bien connu du grand public. Or, il est essentiel à la vie des innovateurs, des acteurs du commerce national et mondial et de façon générale de tous les acteurs économiques. Ce professionnel aide les entrepreneurs à comprendre la valeur stratégique de leur PI en leur fournissant information et conseils. En effet les actifs dits« immatériels » comme les marques, dessins et modèles, brevets représentent une part importantede la valeur d’une entreprise.

Vous êtes Conseillère Régionale INPI pour l’Asie du Sud-Est. Tout d’abord pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l‘INPI?  Quelles sont les domaines d’intervention ?

Stéphanie Leparmentier : L’INPI,Institut National de la Propriété Industrielle est un établissement public autofinancé sous la tutelle du ministère chargé de la Propriété Industrielle œuvrant au développement de la propriété industrielle en France et à son rayonnement dans le monde. L’INPI participe activement à l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine de la propriété intellectuelle, de soutien à l’innovation et à la compétitivité des entreprises et dans la lutte anti-contrefaçon.

L’INPI est non seulement un acteur incontournable pour l’enregistrement des titres de propriété industrielle : brevets, marques, dessins et modèles, réception et instruction des demandes d’indications géographiques, mais il est aussi un interlocuteur privilégié qui accompagne l’entreprise dans la durée en lui proposant des pistes d’action afin de faciliter le développement de sa stratégies de Propriété Intellectuelle selon les environnements et les besoins, notamment à l’international. L’INPI mène aussi quotidiennement une mission de sensibilisation dans les médias mais aussi dans les écoles et les universités. 

Quel est votre parcours?

Je suis ingénieure, diplômée de l’Institut Supérieur d’Electronique de Paris (ISEP). Je suis également titulaire du D.U. Brevets d’invention en Cycle Accéléré du CEIPI à Strasbourg et suis inscrite sur la liste des personnes qualifiées de l’INPI, mention « brevet d’invention » depuis 2010.

Je travaille depuis plus de 15 ans dans le domaine de la Propriété Industrielle et eus l’opportunité d’occuper des fonctions différentes, mais complémentaires : ingénieur brevet en cabinet de conseils en Propriété Industrielle, examinatrice de brevets et experte sur la brevetabilité des logiciels à l’INPI, responsable Propriété Intellectuelle pour AREVA, groupe français international. En poste pendant 7 ans au sein de la Délégation Bretagne de l’INPI avant d’être nommée à Singapour, j’accompagnais des créateurs d’entreprise, des Start-up, des PME et ETI sur tous sujets touchant à la Propriété Intellectuelle.

Quelle est votre mission actuelle ? Quels sont vos moyens d’action ? Comment aidez-vous les entreprises à Singapour ?

Le réseau de Conseillers Régionaux en Propriété Intellectuelle (PI) de l’INPI couvre au total plus de 65 pays. Dans ce cadre, en tant que Représentante de l’INPI pour l’Asie du Sud-Est, j’accompagne les acteurs économiques français dans leurs questionnements et leurs difficultés en matière de Propriété Intellectuelle, sans pour autant remplacer les avocats spécialisés. J’opère ma mission sous l’égide de l’INPI et du Service Economique Régional de l’Ambassade de France à Singapour en coopération avec l’ensemble des autres acteurs présents à l’international et notamment Business France, Bpifrance et les différents Services Economiques des autres pays, les différentes Chambres de Commerce, les CCEF…

Ma zone de compétence couvre en particulier Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, l’Indonésie, les Philippines, le Cambodge, le Laos, le Myamar et Brunei.

Mes missions s’articulent autour de 3 axes :

  • l’accompagnement et le suivi des acteurs économiques français présents ou souhaitant venir sur la zone (information, appui institutionnel, contentieux)
  • la coopération sur le plan technique avec les administrations locales des autres pays chargées de la délivrance et de la protection des droits de PI et de la lutte anti-contrefaçon. L’Inpi  en effet est un relais majeur de la lutte contre les contrefaçons. A titre d’exemple je suis intervenue en avril dernier, au Vietnam, pour mettre en avant l’expertise francaise dans ce domaine lors d’un workshop régional Asie, à destination d’officiels, sur la lutte anti-contrefaçon des biens de consommation (produits alimentaires, boissons, cosmétiques,) Cette table ronde était organisée par de nombreux organismes publics américains dont l’USPTO (Office de PI des US), le Département de la Justice Américaine mais aussi l’EUIPO .
  • la veille des législations et des pratiques relatives à la PI.

Quels sont les liens de L’INPI avec l’OMPI ?

L’INPI joue un rôle majeur dans l’élaboration du droit de la Propriété Industrielle. L’INPI représente la France dans les instances communautaires et internationales compétentes que sont l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’Office européen des brevets (OEB) ou l’Office de l’Union européenne pour la

Propriété intellectuelle (EUIPO)

L’INPI alimente également un fonds fiduciaire auprès de l’OMPI permettant d’organiser des actions régionales de promotion de la PI dans le monde entier. Ainsi en 2018, nous avons permis à 5 personnes travaillant sur les indications géographiques des pays de la région ASEAN à participer au séminaire régional AsiaGI,. Et nous œuvrons ensemble à l’amélioration des écosystèmes de PI dans la région.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes intéressés par la PI ?

Il existe une grande diversité des métiers. La filière est ouverte à la fois aux juristes (conseil en Propriété Industrielle spécialisé en marques / dessins et modèles, avocat, juriste d’entreprise, examinateur de marques, dessins et modèles à l’INPI par exemple) mais également aux ingénieurs (conseil en Propriété Industrielle spécialisé en brevets, ingénieur brevet en entreprise, examinateur de brevets à l’INPI par exemple) Ces derniers doivent s’intéresser aux technologies, à l’innovation de manière générale, au droit, à la stratégie d’entreprise et parler des langues étrangères. Les spécialistes en brevets ont une double compétence technique et juridique.

Pour se faire une meilleure idée, je conseille de s’informer auprès du CEIPI, Centre d’Études Internationales de la Propriété Intellectuelle, à Strasbourg.

Coordonnées : Stéphanie LEPARMENTIER,

Un guide utile a été élaboré récemment « le guide du management de la PI pour les business managers ». Il est disponible gratuitement sur le site Internet de l’INPI.

Conférence du CNAC sur la protection du secret des affaires

La neuvième conférence du CNAC s’est tenue au Sénat le jeudi 20 juin. Elle avait pour thème la protection du secret des affaires.

Aurélie BAUDON, magistrate, adjointe au chef du bureau du droit commercial général de la direction des affaires civiles et du sceau (ministère de la justice) a indiqué que la loi du 30 juillet 2018 a fidèlement transposé la directive européenne du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués. Seul l’article 9 de la directive a fait l’objet d’une « transposition haute ». En effet, les mesures de protection du caractère confidentiel des secrets des affaires ont été étendues à l’ensemble des juridictions (juridictions civiles, commerciales et administratives). En revanche, le secret des affaires ne fait pas l’objet d’une protection pénale.

Les actions civiles relatives aux atteintes au secret des affaires ne relèvent pas de la compétence des seuls tribunaux de grande instance (les TGI peuvent notamment être saisis à l’occasion d’une saisie-contrefaçon). Les tribunaux de commerce peuvent également connaître des litiges relatifs au secret des affaires.

Mme BAUDON a par ailleurs présenté les mécanismes permettant la protection du caractère confidentiel des secrets des affaires au cours des procédures judiciaires: possibilité, pour le juge, de prendre connaissance seul d’une pièce ; recours aux services d’un expert ; limitation de l’accès à tout ou partie des pièces ; production des pièces dans une version non confidentielle ; débats en chambre du conseil (audience à laquelle seules les parties et leurs représentants assistent) ; prononcé de la décision en chambre du conseil ; publication du seul dispositif de la décision ; placement des pièces sous séquestre provisoire (levée automatique de la mesure à l’issue d’un délai d’un mois) ; etc.

Guillaume HENRY, avocat et docteur en droit, a qualifié la loi du 30 juillet 2018 de « loi utile ». Il a donné la définition du secret des affaires. Il s’agit d’une information répondant à trois critères: elle est confidentielle (dossiers d’autorisation de mise sur le marché, données commerciales, fichiers clients, réponses aux appels d’offres, etc.) ; elle a une valeur commerciale (sa divulgation illicite est notamment susceptible de nuire aux intérêts économiques ou financiers d’une entreprise) ; elle fait l’objet de mesures de protection (contrat de confidentialité, charte « secret des affaires », horodatage électronique qualifié, blockchain, etc.).

M. HENRY a précisé qu’un secret des affaires n’est pas un droit de propriété intellectuelle car il ne confère aucun monopole d’exploitation à son détenteur.

Plusieurs moyens licites permettent l’obtention d’un secret des affaires: découverte ; création indépendante ; observation, étude, démontage ou test d’un produit mis à la disposition du public ou acquis de façon licite (le « reverse engineering » peut cependant être interdit dans le cadre de clauses contractuelles).

Les actes constituant une atteinte au secret des affaires sont l’obtention, la divulgation et l’utilisation illicites. Des dérogations sont cependant prévues (liberté de la presse, droit d’alerte, etc.). M. HENRY a indiqué que la charge de la preuve incombe au demandeur.

Ces deux interventions très intéressantes ont été suivies d’un échange avec la salle, où se trouvaient notamment des magistrats, des avocats et des représentants d’entreprises.

Forum international sur le respect des droits de propriété intellectuelle

Le 12 juin, j’ai participé à la troisième édition du Forum international sur le respect des droits de propriété intellectuelle.

Organisé par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en collaboration avec l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) et la Commission européenne, cet évènement a réuni de nombreux acteurs – publics et privés – de la protection et de la défense des droits de propriété intellectuelle.

J’ai eu l’honneur et le plaisir de présider une table ronde consacrée aux défis posés par les contrefaçons dangereuses.

Les participants à cette table ronde étaient :

  • Laura Cigolot, responsable du secrétariat européen de l’Alliance pour des pharmacies en ligne sûres (ASOP) et du secrétariat de l’Alliance européenne pour un accès à des médicaments sûrs (EAASM)
  • Daoming Zhang, directeur adjoint chargé des marchés illicites à Interpol (direction de la criminalité organisée et des nouvelles formes de criminalité)
  • Frank Imbescheid, directeur des relations publiques pour l’Europe et l’Afrique chez Duracell
  • Jacky Marteau, chef de l’unité « tabacs et contrefaçons » de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF)
  • Plusieurs priorités ont été identifiées :
  • la lutte contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle doit devenir une priorité des autorités chargées de faire respecter la loi ;
  • des actions doivent être menées « à la source », c’est-à-dire dans les pays de production ;
  • les relations entre les acteurs de la lutte anti-contrefaçon doivent reposer sur la confiance (échanges de données, etc.) ;
  • il est impératif de renforcer l’éducation à la propriété intellectuelle (consommateurs, autorités répressives, etc.).

Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de la table ronde.

The session was chaired by Richard Yung, Senator and President of the French National Anticounterfeiting Committee, and sought to address challenges raised by counterfeit goods that are harmful to consumers’ health and safety, and how to strengthen enforcement. The panel brought together Laura Cigolot, Secretariat, European Alliance for Access to Safe Medicines (EAASM), Daoming Zhang, Assistant Director Illicit Markets SubDirectorate, Interpol, Frank Imbescheid, Public Relations Director Duracell Europe & Africa, Duracell, and Jacky Marteau, Head of Unit, OLAF, European Commission. The increase in imports of counterfeit medicines through the internet was considered a prime concern. To tackle the issue, the panel proposed an education project focusing on the general public and enforcement actors, from customs to judges and prosecutors, in combination with actions in source countries. The main challenges were identified as being the lack of effective tools at the EU-level to deal with infringing websites which are put back online as fast as they can be taken down; and the need for better tools to enforce the follow-the-money approach. The focus for future actions should be on education, as consumers trust internet sites blindly, and could involve NGOs and civil society groups.

L’Union européenne néglige la lutte contre la contrefaçon

Le rapport annuel de l’Office européen pour la propriété intellectuelle regrette le manque d’engagement de certains pays européens dans la lutte contre la contrefaçon. Une activité frauduleuse qui se professionnalise et saisit les opportunités offertes par la mondialisation.

Les statistiques sont trompeuses. La contrefaçon se porte bien. Elle se professionnalise. Le rapport annuel conjoint de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et d’Europol affiche bien une baisse des saisies de produits piratés aux frontières de l’Union en 2017. Le nombre de saisies en douanes s’est établi à 57.433 contre 63.184 en 2016 et 95.194 en 2014. Que ce soit en nombre d’articles, en valeur et en nombre d’articles par saisie, la tendance est en recul.

Une priorité prise en défaut

Mais la réalité est toute autre. « Souvent considérées comme un crime sans victime », pour de nombreux pays européens, les fraudes « à la propriété intellectuelle ne font pas partie de leurs principales priorités ». Et au niveau européen, « la contrefaçon a été éliminée des priorités du cycle politique de l’Union européenne en matière de criminalité grave et organisée 2017-2021, ce qui a probablement entraîné une diminution du nombre d’enquêtes et d’opérations effectuées ». Un comble alors que la contrefaçon coûte cher à l’Europe en termes d’emplois.

Les contrefacteurs qui se professionnalisent auraient donc de beaux jours devant eux. Les activités criminelles de contrefaçon sont menées par « des réseaux de crime organisé de plus en plus professionnalisés » et la fabrication en Europe de produits piratés est « une tendance croissante », selon l’étude. La Chine, principale pourvoyeuse de contrefaçons au monde, ouvre de nouvelles opportunités avec son projet de nouvelles routes de la soie. « Le nombre croissant de liaisons ferroviaires entre la Chine et l’Union européenne, offre aux faussaires une possibilité de diversifier leurs itinéraires et leurs méthodes de transport », souligne l’EUIPO. Le transport de marchandises par chemin de fer est beaucoup plus rapide que le transport maritime et bien moins cher que le transport aérien, ajoute l’Office. Or, le nombre de saisies par rail est encore très faible, regrette-t-il. Il est probable qu’un nombre croissant de marchandises piratées puissent arriver aux frontières extérieures de l’est de l’Union européenne par train puis être distribuées dans toute l’Europe.

La mondialisation à l’œuvre

Les saisies seront par ailleurs difficiles à réaliser en raison de la mondialisation. L’éclatement des chaînes de valeur n’a pas de secret pour les groupes criminels organisés. Des envois réguliers de bouteilles de vin vides, de produits de contrefaçon non finis, de produits non étiquetés, d’étiquettes et de composants sont repérés. Ces produits « sont probablement retravaillés et utilisés pour la production de contrefaçons au sein même de l’Union européenne ». Par exemple, les contrefacteurs remplissent les bouteilles vides avec du vin bas de gamme ou des spiritueux frelatés, puis étiquettent les bouteilles avec des marques luxueuses ou coûteuses.

La contrefaçon dans le secteur vinicole

Les douanes européennes ont du pain sur la planche en perspective. Car, dans l’Union, selon l’estimation d’EUIPO, les contrefaçons et les produits pirates pourraient représenter jusqu’à 6,8 % des importations pour une valeur de 121 milliards d’euros. Un montant en « nette augmentation ces dernières années ». La face cachée de la contrefaçon reste à découvrir.

Richard Hiault
Les Échos (12/06/19)

Journée mondiale anti-contrefaçon: « créer pour évoluer, innover pour protéger »

À l’occasion de la vingt-deuxième édition de la Journée mondiale anti-contrefaçon, j’ai participé, le 6 juin, à un évènement organisé par l’Union des fabricants (Unifab).

Consacré à la sécurisation digitale, cet évènement, dont le slogan était « Créer pour évoluer, innover pour protéger », a réuni de nombreux participants, dont le député de la 6ème circonscription de Paris, Pierre Person, le directeur général des douanes et droits indirects, Rodolphe Gintz, et le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), Pascal Faure.

Nous avons été accueillis par le président de l’Unifab, Christian Peugeot, qui a notamment a annoncé la création de l’Unifab Lab, dédié aux entreprises innovantes dans la promotion et la défense de la propriété intellectuelle.

La directrice générale de l’Unifab, Delphine Sarfati-Sobreira, a animé une table ronde dont les intervenants étaient Emmanuelle Hoffman, avocate et administratrice de l’Unifab, Jérémy Delorme, président-directeur général de Vide Dressing, Pierre Berecz, président-directeur général de EBRAND Services France, et Pierre-Nicolas Hurstel, président-directeur général d’Arianee.

Mme Sarfati-Sobreira a ensuite procédé à la remise des trophées internationaux de la lutte anti-contrefaçon, décernés par le Global Anti-Counterfeiting Network. J’ai eu le plaisir et l’honneur de remettre le prix « Individual Achievement » à Shelley Duggan (Procter & Gamble).

Vous trouverez, ci-dessous, le texte de mon intervention (seul le prononcé fait foi).

Monsieur le président,
Monsieur le député,
Mesdames, messieurs les directeurs généraux,
Mesdames, messieurs les directeurs,
Mesdames, messieurs,

Avant toute chose, je souhaite remercier le président Peugeot pour son invitation. C’est toujours un honneur et un plaisir d’intervenir lors des évènements organisés par l’Unifab.

Cette année, la Journée mondiale anti-contrefaçon se tient quelques jours après les élections européennes. Il n’aura échappé à personne que la propriété intellectuelle et la lutte anti-contrefaçon n’ont pas été au cœur des débats. C’est le moins que l’on puisse dire. Ce constat n’est pas surprenant compte tenu de la faible appétence de la plupart des responsables politiques pour les questions relatives à la propriété intellectuelle. Je regrette que ces questions aient été uniquement abordées, de façon négative et démagogique, par le Parti Pirate, qui sera désormais représenté par quatre eurodéputés – trois Tchèques et un Allemand – contre un dans la précédente législature.

Tout en déplorant ce triste constat, je note avec satisfaction que la propriété intellectuelle a été évoquée en marge de la campagne électorale. Le 23 mai dernier, la directive dite « e-commerce » s’est en effet invitée dans une discussion ministérielle sur la lutte contre la désinformation en ligne. L’Autriche a appelé à rouvrir cette directive. L’Espagne et Chypre y seraient également favorables. C’est une excellente nouvelle ! Cela montre que la France n’est pas le seul État membre à plaider en faveur du renforcement de la responsabilité des plateformes numériques.
La prochaine étape consistera à persuader la future Commission européenne d’inscrire la révision de la directive dite « e-commerce » dans son programme de travail, l’objectif étant d’obtenir la création d’un troisième statut d’intermédiaire en ligne, entre le statut d’éditeur et celui d’hébergeur.
Il faudra également convaincre le futur exécutif européen de la nécessité d’adapter la directive dite « IPRED » à l’ère numérique. Le renforcement de la lutte anti-contrefaçon mérite en effet mieux que de simples mesures non contraignantes !

Comme vous le savez, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises a récemment été publiée au Journal officiel. Les dispositions relatives à la propriété intellectuelle ont été validées par le Conseil constitutionnel. Grâce à la modernisation du certificat d’utilité, les entreprises, notamment les PME, bénéficieront d’une voie d’accès plus souple et plus progressive vers la délivrance de brevets. Pour ce qui concerne la procédure administrative d’opposition aux brevets, le Gouvernement est désormais habilité à légiférer par ordonnance. Quant à l’examen a priori du critère d’inventivité des brevets, il entrera en vigueur l’année prochaine. Je serai très attentif à la mise en œuvre de ces nouveaux dispositifs, qui nécessitera une forte implication de l’INPI.

La loi dite « PACTE » prévoit aussi la mise en place d’un cadre juridique visant à développer la blockchain dans le secteur financier. La technologie des chaînes de blocs est cependant loin de se résumer aux crypto-actifs. Certains considèrent qu’elle revêt un caractère révolutionnaire. D’autres, à l’instar de l’économiste Nouriel Roubini, estiment qu’il s’agit de « la technologie la plus surfaite – et la moins utile – de toute l’histoire humaine ».

Pour ma part, je considère qu’elle offre de nombreuses potentialités en matière de propriété intellectuelle. J’en veux pour preuve le récent lancement, par LVMH, ConsenSys et Microsoft, du projet AURA, qui est un consortium blockchain visant à fournir à l’industrie du luxe des services de suivi et de traçabilité des produits. Les sociétés IBM et Seagate ont également décidé d’unir leurs forces en vue de combattre la contrefaçon de disques durs grâce à l’utilisation de la blockchain. Par ailleurs, aux États-Unis, des chercheurs viennent de développer « un protocole basé sur la blockchain pour combattre les contrefaçons de médicaments ».

Ces initiatives montrent que la blockchain est une technologie pleine d’avenir.

Elle devrait tout d’abord contribuer à faciliter la gestion des droits de propriété intellectuelle. En effet, grâce aux contrats dits « intelligents » (smart contracts), les taxes de maintien en vigueur et les redevances de licences pourraient être payées de manière automatique. Quant aux droits d’auteur, ils pourraient être plus efficacement répartis.

Pour ce qui concerne la défense des droits de propriété intellectuelle, la blockchain présente également plusieurs avantages. Grâce à son système d’horodatage, elle devrait permettre de prouver plus facilement la contrefaçon ou, à l’inverse, l’authenticité d’un bien. A priori, il ne devrait pas être nécessaire de donner une base légale à ce nouveau mode de preuve dans la mesure où le code de la propriété intellectuelle prévoit que la contrefaçon « peut être prouvée par tous moyens ».

J’ajoute que la blockchain devrait permettre d’améliorer la traçabilité des produits et donc de faciliter l’identification des contrefaçons présentes dans les chaînes d’approvisionnement légitimes. La confiance des consommateurs devrait ainsi s’en trouver renforcée. Quant aux autorités douanières, elles pourraient voir leur travail simplifié.

Comme vous pouvez le constater, la blockchain présente de nombreux atouts. Aussi, je me félicite que le Gouvernement souhaite « accélérer » son déploiement. Le 15 avril dernier, à l’occasion de la Paris Blockchain Conference, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a exprimé sa volonté de « faire de la France le leader européen de la blockchain, et demain un des leaders mondiaux de cette technologie ». Pour ce faire, l’État accompagnera le développement des chaînes de blocs dans les filières industrielles par le biais des contrats stratégiques de filière. Ces contrats devraient, à mon sens, comprendre un volet relatif à la propriété intellectuelle.
Le Gouvernement souhaite également « continuer à soutenir l’innovation dans cette technologie de pointe » via notamment l’utilisation du fonds pour l’innovation et l’industrie. La création de l’Unifab Lab participe de cet objectif, ce dont je me réjouis vivement.
Enfin, le Gouvernement souhaite « continuer à adapter notre environnement juridique à la blockchain au niveau national mais aussi au niveau européen et international ». L’objectif est de « mettre en place un cadre qui soit le plus attractif possible, qui permette à la fois d’accompagner, de faciliter et de réguler ».

Cette stratégie va dans le bon sens. Je suis convaincu qu’elle permettra de soutenir efficacement les initiatives innovantes du secteur privé, à commencer par celles prises par l’Unifab et les autres membres du CNAC.

Je vous remercie pour votre attention.

Contrefaçon: un manque à gagner de 6,8 milliards d’euros pour notre économie

Selon le rapport de l’agence qui gère l’enregistrement des marques pour l’Union européenne, le manque à gagner pour l’économie française est estimé à 105 euros par citoyen et par an.

Produits de luxe, médicaments, vêtements, chaussures, cosmétiques, pièces de rechange automobiles, jouets, cigarettes… S’il est un secteur qui ne connaît pas la crise, c’est celui de la contrefaçon.

Selon le dernier rapport de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), agence qui gère l’enregistrement des marques au sein de l’UE, la contrefaçon coûte chaque année 56 milliards d’euros à onze secteurs clés de l’économie européenne et près de 6,8 milliards d’euros rien qu’à la France.

Selon cette enquête, les pertes directes dues au piratage et à la contrefaçon représentent en moyenne 7,4 % des ventes annuelles dans ces secteurs en Europe. « En France, la valeur totale du manque à gagner en termes de ventes en France s’élève à 105 euros par citoyen français et par an », souligne l’EUIPO.

Les ventes de faux vêtements et cosmétiques en hausse

Conséquence, 470 000 emplois seraient directement perdus en Europe du fait de ces activités frauduleuses. Par ailleurs, les gouvernements européens se verraient privés de 16,3 milliards d’euros de recettes fiscales.

Les entreprises européennes sont particulièrement visées par ces activités illicites. Le secteur des vêtements, chaussures et accessoires reste le plus touché. Il enregistre à l’échelle européenne un manque à gagner d’environ 28,4 milliards d’euros chaque année (9,7 % des ventes).

Pour la France, la perte est d’environ 3,6 milliards d’euros (8,8 % des ventes). L’autre secteur de plus en plus affecté est celui des « cosmétiques et produits de soins personnels », note cette enquête.

De nouveaux circuits de distribution

L’EUIPO estime que les contrefacteurs ont profité de la forte croissante du commerce électronique. Le phénomène, difficile à enrayer, devient « de plus en plus une source importante de revenus pour les groupes criminels dans la vente de produits contrefaits et de contenu numérique piraté (comme les films, la télévision, la musique, les livres, les jeux) ».

Par ailleurs, les circuits d’approvisionnement de la contrefaçon sur le marché européen ont aussi évolué. Ces produits proviennent essentiellement de Hongkong, de Chine, des Emirats arabes unis, de Turquie, de Grèce…

« La majorité des produits viennent d’Asie, essentiellement par des grands bateaux, explique l’EUIPO. Quand ils arrivent à la frontière de l’Union européenne, ils sont reconditionnés dans des petits paquets dans des pays comme l’Albanie, l’Ukraine, le Maroc ou l’Egypte, et envoyés par la poste pour arriver, en passant plus facilement les contrôles douaniers, jusqu’au consommateur final. »

Des consommateurs peu regardant

En 2017, en France, 8,4 millions de produits contrefaits ont été saisis à la frontière par les douanes françaises : 1,2 million de boîtes de jeux, de jouets et d’articles de sport, 1,1 million de vêtements… Les douanes françaises ont également saisi 238,2 tonnes de tabac de contrebande.

Le hic, c’est que les consommateurs semblent souvent plutôt à l’aise avec l’achat de produits contrefaits. Selon un sondage réalisé en 2017, 10 % des consommateurs européens reconnaissaient en avoir déjà acheté, et une même proportion avoir intentionnellement téléchargé ou diffusé du contenu provenant de sources illégales au cours des douze derniers mois.

Le phénomène est particulièrement marqué chez les jeunes : 41 % des 15-24 ans jugent « acceptable d’acheter des produits contrefaits lorsque le prix du produit original et authentique est trop élevé. »

« Des prix plus bas, une facilité d’accès aux produits contrefaits et un degré élevé d’acceptabilité sociale dans certains pays sont autant de motivations d’achat », ajoute l’EUIPO même le produit présente des risques et que son achat fait encourir des sanctions.

Le Parisien (06/06/19)

La contrefaçon coûte près de 60 milliards d’euros aux fabricants européens

Les secteurs les plus touchés sont ceux de l’habillement et des cosmétiques. Les professionnels alertent sur la présence en nombre de ces produits contrefaits sur les sites de vente en ligne.

Le poids de la contrefaçon et du piratage en Europe est toujours aussi important. Selon une étude publiée ce jeudi par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), à l’occasion de la journée mondiale anti-contrefaçon, ce fléau coûterait près de 60 milliards d’euros chaque année aux 11 secteurs clés les plus concernés (maroquinerie, habillement, chaussures, jouets, horlogerie, smartphones, spiritueux…). Ces derniers perdraient 7,4% de leurs ventes en raison de la présence de ces produits contrefaits sur le marché. «Lorsque l’on pense contrefaçon, on pense marque de luxe. Ce n’est en réalité pas le cas. Nous avons constaté que la contrefaçon concerne toutes marques, même des produits bon marché, et que tous les producteurs en souffrent», constate Luis Berenguer, porte-parole de l’EUIPO.

La France est particulièrement touchée. Selon les estimations de cette étude, les contrefaçons font perdre aux fabricants hexagonaux 6,2% de leurs ventes directes chaque année. Soit environ 7 milliards d’euros. À l’échelle européenne, le manque à gagner a reculé dans tous les secteurs sauf deux, dont le plus important en termes de volumes de ventes et d’emploi: celui des vêtements, chaussures et accessoires. Ce dernier voit s’échapper chaque année 28,4 milliards d’euros, soit 9,7% de ses ventes. L’autre secteur en augmentation concerne les cosmétiques et produits de soins personnels pour qui la présence de contrefaçons entraîne une perte de 7 milliards d’euros (10,6% des ventes). Les objets contrefaits viennent essentiellement de Chine, Turquie, Émirats, Inde ou encore Maroc.

Invasion de contrefaçons sur internet

L’enquête de l’EUIPO met par ailleurs en relief l’impact de ce phénomène sur l’emploi. Étant donné que la contrefaçon pèse sur la production des fabricants légitimes, qui ont ainsi besoin d’une main-d’œuvre moins nombreuse, près de 468.000 emplois seraient directement perdus dans ces secteurs à l‘échelle de l’UE. «La contrefaçon fait du mal aux différentes industries en engendrant une perte des recettes des ventes et d’une partie des emplois. Elle est également néfaste pour les consommateurs avec les risques de santé que présentent les produits contrefaits dont la qualité est inférieure», juge le porte-parole de l’EUIPO.

Ce message est relayé par l’Unifab, qui réunit les entreprises engagées contre la contrefaçon. Cette dernière alerte notamment sur le poids toujours plus important de la contrefaçon sur les sites de ventes en ligne et les réseaux sociaux. «Cette intrusion massive des contrefaçons, à travers les biens de consommation courants et les nouvelles habitudes des acheteurs, notamment internet, est de plus en plus répandue. Elle prend diverses formes pour mieux duper les consommateurs», estime-t-elle dans un rapport. Selon l’Unifab, qui cite une étude Ifop de 2018, 37% des consommateurs achètent des contrefaçons en pensant que les produits sont authentiques. Mais la même proportion achète en connaissance de cause. «La consommation de faux produits constitue une réelle menace sociale et sanitaire car elle s’immisce sans bruit dans le quotidien de tous», déplore l’union des fabricants. D’où la nécessité d’accroître les efforts de sensibilisation, selon elle. L’EUIPO plaide pour sa part pour un renforcement des sanctions au sein de l’Union Européenne et appelle les marques à jouer un rôle plus actif dans cette lutte. «C’est à elles de dénoncer, de porter plainte chez les juges», rappelle l’office européen.

Hayat Gazzane et Claudia Cohen
Le Figaro (06/06/19)

La lutte anti-contrefaçon doit devenir une priorité européenne

À l’occasion de la journée mondiale anti-contrefaçon, le sénateur Richard YUNG (Français établis hors de France), président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC), insiste sur l’impérieuse nécessité d’intensifier la lutte contre ce fléau transnational, qui, malgré les nombreux efforts déployés par les services répressifs, continue de ronger l’économie, prospère sur Internet et alimente de plus en plus le crime organisé.

La contrefaçon coûte très cher aux entreprises, à commencer par les PME et les ETI qui maillent les territoires (perte de chiffre d’affaires, destruction d’emplois directs et indirects, etc.). Elle se traduit aussi par un manque à gagner considérable pour l’État (perte de recettes fiscales et de cotisations sociales). Pis, elle est susceptible de porter gravement atteinte à la santé et la sécurité des consommateurs. Tous les secteurs d’activité sont désormais concernés.

Au regard de ce constat, M. YUNG souhaite que la lutte anti-contrefaçon soit érigée en priorité européenne. À cette fin, il encourage vivement les nouveaux députés européens à s’impliquer dans ce combat de longue haleine en faisant notamment pression sur la future Commission européenne. Cette dernière ne devra pas se contenter, comme l’actuel exécutif européen, de prendre de simples mesures non contraignantes. Des réformes législatives sont nécessaires pour lutter plus efficacement contre la cyber-contrefaçon, qui connaît un développement exponentiel.

Selon M. YUNG, les chantiers à mener d’urgence sont le renforcement de la responsabilité des plateformes numériques et l’assèchement des ressources financières des sites internet qui portent atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Pour mener à bien ces chantiers, l’implication de tous les États membres est indispensable.