Entretien avec une délégation chinoise

Le 16 novembre, je me suis entretenu au Sénat avec une délégation chinoise conduite par Jun TANG, vice-ministre, directeur général adjoint de l’administration d’État pour l’industrie et le commerce (SAIC)

M. TANG était accompagné de Jiancheng HUANG, directeur général du département de la publicité, Yu CHANG, vice-président et secrétaire général de l’association chinoise de la consommation, Lingmin SHU, directrice adjointe de la division des affaires multilatérales, et Xin CHEN, représentant du bureau des affaires générales.

La directrice générale de l’Union des fabricants (Unifab), Delphine SARFATI-SOBREIRA, le responsable des affaires juridiques et publiques de l’Unifab, David SAUSSINAN, la coordinatrice du CNAC, Stéphanie LEGUAY (INPI), le conseiller chargé de la coopération internationale à l’INPI, Nam NGO THIEN, ainsi que mon collaborateur parlementaire, Vincent TOINEL, ont également participé à cette rencontre, qui s’inscrivait dans le contexte de l’accord-cadre de coopération et de lutte anti-contrefaçon entre le CNAC et la SAIC, signé à Pékin le 7 juillet 2009.

La SAIC est chargée de l’élaboration de la réglementation et de la supervision du commerce électronique, de la protection du consommateur, de l’enregistrement des entreprises et des marques (individuelles et collectives), du contrôle du marché sur l’ensemble du territoire par le traitement des plaintes pour contrefaçon de marques, mais aussi de la concurrence (anti-monopole) et de la publicité. La SAIC coordonne l’activité des administrations pour l’industrie et le commerce (AIC) au niveau local (provincial, municipal, district).

M. TANG est chargé de la mise en œuvre des marques (lutte contre la contrefaçon), y compris dans le commerce électronique. Il est également chargé de la protection des consommateurs et de la supervision de la publicité.

Après avoir rappelé les liens étroits qui unissent la Chine et la France en matière de propriété intellectuelle (en 2015, j’avais effectué une mission à Pékin, au cours de laquelle je m’étais entretenu avec des responsables de la SAIC), j’ai présenté les initiatives françaises et européennes en matière de lutte contre la cyber-contrefaçon (chartes; approche dite « suivez l’argent »; obligation, pour les plateformes en ligne, de mettre à la disposition des titulaires de droits des outils de reconnaissance automatique des contenus illicites; expérimentation d’un guichet unique; etc.) ainsi que les grandes lignes de l’arsenal juridique français de lutte contre la contrefaçon (loi du 11 mars 2014, capacités d’intervention des douanes, etc.).

Mme SARFATI-SOBREIRA a présenté les initiatives de l’Unifab et du CNAC dans les domaines de la communication et de la sensibilisation.

M. SAUSSINAN a, pour sa part, présenté le dispositif français en matière de protection des consommateurs (PHAROS, etc.). Il a également insisté sur l’impérieuse nécessité de renforcer la responsabilité juridique des plateformes dans le cadre de l’élaboration – toujours en cours – de la loi chinoise relative au commerce électronique.

En Chine, le commerce électronique connaît une croissance exponentielle. M. TANG a indiqué que les ventes sur Internet représentent 13% des ventes totales. Des accords ont été conclus avec les grandes plateformes de vente, dont celle d’Alibaba (filtrage par mots clés). Les consommateurs ont également la possibilité de rendre les marchandises quelques jours après les avoir achetées. Selon M. TANG, « les consommateurs chinois font généralement confiance aux produits vendus sur Internet ». Il considère également que « la lutte anti-contrefaçon est bénéfique pour le marché domestique ».

Mme SARFATI-SOBREIRA a souligné la nécessité d’un cadre législatif généralisant les dispositifs anti-contrefaçon mis en œuvre par certaines plateformes.

La porcelaine de Limoges désormais protégée par une « Indication Géographique »

Cette indication impose que les porcelaines dites « de Limoges » soient fabriquées et décorées à Limoges, ou dans la Haute-Vienne.

Après  le siège de Liffol (Vosges) et le granit de Bretagne, c’est au tour de la porcelaine de Limoges d’être protégée par une « Indication géographique » (IG). L’IG impose que les produits soient fabriqués et décorés à Limoges ou dans le département de la Haute-Vienne.

Le label sera officialisé le 1er décembre, avant sa publication au bulletin de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), a précisé à l’Agence France Presse cet organisme. Cette indication géographique a été portée par la loi sur la consommation, votée en 2014 et que Benoît Hamon, alors ministre délégué, avait présenté à Limoges en 2013.

Quatre années de procédure

Quatre ans ont été nécessaires pour parvenir à un consensus entre les 47 membres de l’association « Indication géographique Porcelaine de Limoges » qui devient de fait la garante du cahier des charges.

Parmi les critères retenus, la garantie que 100 % des opérations nécessaires à la fabrication de la porcelaine sont réalisées dans le périmètre de la Haute-Vienne.
Pour les promoteurs de l’IG, il s’agit de protéger tant le consommateur que le fabricant : le premier ne pourra plus être abusé par des estampilles telles que « pâte de Limoges » ou encore « Limoge » sans « s » ; les seconds auront les outils juridiques pour faire condamner toute forme de concurrence déloyale, notamment à travers des filières étrangères qui pouvaient jusque-là vendre du « Limoges » jusqu’à 30 % moins cher que l’original.

Plus d’équité

« Au sein de la profession, où cohabitent historiquement petit artisanat de luxe et mastodontes internationaux avec des filières partiellement étrangères, cela remet un peu d’équité », se félicite un fabricant local, soucieux de garder l’anonymat.

Avec cette IGP, « non seulement nous protégeons les emplois qui dépendent de la filière, mais en plus nous créons un appel d’air », se réjouit le président de l’Union des fabricants de porcelaine (UFPL), Alain Mouly, qui dit espérer la « relocalisation de certains emplois » en Haute-Vienne.

Une « reconnaissance » du savoir-faire

Le président de la Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, s’est félicité aussi de cette « reconnaissance » du savoir-faire de la filière qui « conforte la volonté de la Région de valoriser et de développer les entreprises patrimoniales et familiales » sur son territoire.

Secteur emblématique de Limoges et de la Haute-Vienne, la filière représente 1.200 emplois directs et 115 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit 60 % des recettes générées en France par la porcelaine de table, selon des chiffres de 2015.

Source AFP lesechos.fr (24/11/17)

Richard Yung : « Nous proposons la mise en place d’une instance interministérielle de pilotage de la lutte anti-contrefaçon »

Le 16 novembre, j’ai répondu aux questions de Philippe COLLIER, rédacteur en chef du site Contrefaçon Riposte.

Le Sénateur Richard Yung (LREM), représentant des Français établis hors de France, consacre à la présidence du Cnac environ 10 % de son temps pour un second mandat de 6 ans qui s’achèvera en 2020. Une fonction que le Sénateur prend très au sérieux. Car, en dépit des actions menées jusqu’à présent, le fléau de la contrefaçon continue de progresser.

Comme en témoignent les études sectorielles de l’Observatoire de l’EUIPO qui, selon Richard Yung, permettent d’appréhender concrètement les effets négatifs de la contrefaçon sur l’économie et l’emploi en particulier dans les secteurs d’activité les plus dynamiques. Ceux qui mobilisent une forte intensité de création et de propriété intellectuelle.

Un sujet que le Sénateur Yung connaît bien puisqu’on lui doit la loi sur la lutte anti-contrefaçon du 29 octobre 2007 (avec Laurent Béteille) et celle du 11 mars 2014 qui complète la précédente afin de renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Contrefaçon Riposte : Quelles sont les priorités du Cnac pour 2018 ? A la fois pour protéger les consommateurs de la contrefaçon et pour soutenir les petites entreprises qui estiment que la justice est trop lente et trop chère traiter leurs affaires de contrefaçon ?

Richard Yung : En 2018 la priorité restera comme les années précédentes la cyber-contrefaçon. Nous avons rencontré tous les acteurs concernés (moyens de paiement, fret postal et express, acteurs du e-commerce…). La stratégie consiste désormais en frapper les contrefacteurs aux portes-feuilles en tarissant leurs revenus. L’approche « follow the money » a déjà été introduite avec succès au Canada tandis que l’Italie et la Suisse envisagent la mise en place de dispositifs comparables.

Nous avons réalisé avec la Gendarmerie un test de mise en place d’un guichet unique afin que les titulaires de droit puissent dénoncer les sites qui commercialisent des contrefaçons de leurs produits. Il s’agit d’apporter une réponse concrète, plus rapide et ciblée sur la contrefaçon qui viendrait en complément de la plateforme PHAROS du ministère de l’Intérieur qui collecte tous les types de plaintes. La réponse appartient à la Gendarmerie qui s’interroge actuellement sur la base légale d’une telle intervention et les moyens qu’elle peut y consacrer.

Un tribunal spécialisé pour les petits délits

Par ailleurs, nous poussons le projet de mise en place d’un tribunal spécialisé pour les petits délits. Il s’agit de copier ce qui existe à Londres où le juge Hacon, préside l’Intellectual Property Enterprise Court (IPEC). Ce tribunal dispose de procédures simples et légères pour les PME impliquées dans des litiges ayant trait à la propriété intellectuelle. Le montant des coûts de procédure est plafonné à £50.000 et le montant maximal des dommages et intérêts est fixé à £500.000. Il existe aussi une procédure spécifique pour les litiges dont le montant est inférieur à £10.000. Ce tribunal juge une centaine de cas de contrefaçon par an. Ce serait une avancée très concrète pour les PME dont les affaires courantes seraient traitées sans délai. Hélas, pour le moment, le ministère de la Justice ne semble pas très réceptif à ce type d’innovation.

En 2018, nous poursuivrons aussi les campagnes de sensibilisation auprès du grand public notamment sur les plages. Nous avons aussi le projet d’organiser un colloque avec l’Institut national de la consommation (INC). Notre souhait est d’impliquer davantage les associations de consommateurs notamment sur les risques sanitaires et sécuritaires de la contrefaçon.

Enfin, depuis sa création, le Cnac et son président consacrent beaucoup de temps à la réception de délégations étrangères qui s’intéressent à l’approche et à l’arsenal juridique français. Hier encore, je recevais des parlementaires italiens, dont certains sont membres d’une commission d’enquête sur la contrefaçon. Nous avons convenu de créer un groupe de travail commun.
J’ai aussi reçu récemment une délégation chinoise et je vois cet après-midi un ministre chinois « en charge de la contrefaçon des marques » ! Nous avons avec les Chinois une longue tradition de négociation depuis 20 à 25 ans. Ces échanges informels permettent d’entretenir de bonnes relations et de faire avancer des dossiers parfois épineux comme celui de la reconnaissance réciproque des appellations d’origine ou des indications géographiques.

Contrefaçon Riposte : Que pensez-vous du « plan d’action contre les produits contrefaits et piratés 2018-2021 » proposé par le Comité économique et social européen (CESE) ?

Richard Yung : Je n’ai pas encore eu l’occasion de prendre connaissance de ce document.

Contrefaçon Riposte : Le CNAC n’a pas de budget propre contrairement à l’HADOPI (piratage), considérez-vous que la lutte anti-contrefaçon s’en trouve pénalisée ?

Richard Yung : Le Cnac a vocation à rester une structure légère de concertation entre les secteurs public et privé. Une structure plus lourde ne serait pas nécessairement plus efficace. Depuis sa création l’Hadopi a été fortement critiquée sur son efficacité et sa pérennité est régulièrement mise en question. Ce n’est donc pas, en ce qui me concerne, un statut enviable.

Contrefaçon Riposte : Vous avez écrit avant les vacances aux ministres de l’Économie, de la Justice, de l’Agriculture et de l’Éducation nationale pour les sensibiliser à la problématique de la contrefaçon, ont-ils répondu à votre attente?

Richard Yung : Vous dire que les ministères sont prêts à se mobiliser sur le sujet serait vous mentir, surtout dans le contexte actuel de restructuration. En revanche, la contrefaçon est un sujet transversal dont il faut bien comprendre les enjeux dans une économie de l’immatériel.
L’éducation nationale devrait ainsi sensibiliser tous les élèves aux concepts de la propriété intellectuelle. Un projet soutenu par l’EUIPO. De même, le ministère de l’Agriculture ne peut ignorer les atouts des indications géographiques sur nos exportations. etc.

À ce propos, dans la lettre adressée aux ministères concernés nous proposons la mise en place d’une instance interministérielle de pilotage de la lutte anti-contrefaçon. Une recommandation qui d’ailleurs figurait dans le référé de la Cour des comptes de 2014. Encore une fois, il s’agit de décloisonner et de faciliter les échanges d’informations. De faire en sorte que l’État gagne en réactivité face à l’évolution de la situation. Mais pour l’instant, je n’ai reçu aucune réponse.

Enfin, le Cnac souhaite l’établissement d’une liste noire des « marchés notoirement réputés » pour vendre des biens contrefaisants et pour violer les droits de propriété intellectuelle, sur le modèle du « Special 301 Report » édité tous les ans par l’USTR, le Département du commerce américain. Cette liste pourrait être dressée en partenariat avec l’Unifab. Une liste noire européenne est aussi en projet sur le même sujet. Car nos intérêts sont différents de ceux des États-Unis.

Contrefaçon Riposte : Comment une entreprise peut-elle participer aux travaux du Cnac ?

Richard Yung : Il suffit de s’inscrire et de s’impliquer personnellement. Il n’y a pas de cotisation. La seule condition est de détenir des droits de propriété intellectuelle. De même, l’entreprise ne peut se faire représenter par un avocat ou un conseil en PI. Elle peut rejoindre un des quatre groupes de travail existant ou contribuer à la création d’un nouveau groupe.

Propos recueillis par Philippe Collier

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Rencontre avec des parlementaires italiens

Rencontre le 13 novembre avec une délégation du Parlement italien (députés, sénateurs, eurodéputés) sur les politiques de lutte contre la contrefaçon et singulièrement, les marques et la question du paquet neutre (cigarettes). Celle-ci est dirigée par M. Guido Galperti, député.

La rencontre a lieu au siège de l’Unifab qui rassemble les titulaires de droits avec Mme Delphine Sarfati-Sobreira et M. David Saussinan. Le Parlement italien a créé une commission d’enquête parlementaire sur les questions de contrefaçon dans la mesure où celle-ci est devenue un véritable fléau national.

Nous avons donc échangé sur les différentes politiques suivies en Italie et en France. Nous avons envisagé la possibilité de travailler sur ces questions dans le cadre du groupe d’amitié France-Italie.