Impression 3D : l’INPI rejette la redevance copie privée mais lorgne la responsabilité des hébergeurs

L’Observatoire de la propriété intellectuelle a rendu une synthèse sur la question de l’impression 3D face à la redevance copie privée. Pour lui, il est trop tôt pour envisager l’extension de la ponction à cette technologie. Mais cette antenne de l’INPI marque plus d’intérêt sur la responsabilité des intermédiaires.

Ce document est le fruit d’une vaine tentative parlementaire du sénateur socialiste Richard Yung durant le débat sur le projet de loi Macron, visant à étendre la redevance pour copie privée à l’impression 3D. Faute d’appui gouvernemental, il avait été décidé de confier la patate chaude à un groupe de travail piloté par le Comité national anti-contrefaçon, présidé par le même sénateur. Au final, le rapport a été réalisé par l’INPI à la demande et en coopération avec le CNAC.

L’INPI 2014 vs l’INPI 2016

Avec ce repli stratégique, on pouvait facilement anticiper sa réponse puisqu’en septembre 2014, l’Institut national de la propriété intellectuelle préconisait justement d’« étendre le principe de la rémunération pour copie privée aux outils de reproduction des œuvres, donc aux imprimantes 3D, scanner 3D et aux matériaux utilisés à cette fin ». Surprise, dans la synthèse tout juste publiée, le groupe de travail INPI-CNAC juge l’extension inopportune car « le marché grand public n’existe pas, du moins pas pour le moment ».

Selon l’Observatoire de la propriété intellectuelle, « l’impression 3D est avant tout une technologie à finalité industrielle », et « fabriquer soi-même des objets avec sa propre imprimante 3D représente un coût si important qu’il est plus rentable d’acheter ces objets que de les fabriquer. D’ailleurs, insiste-t-il, cela ne risque pas de changer à moyen terme dans la mesure où les fabricants d’imprimantes 3D tirent une grande partie de leurs revenus de la vente des consommables ». La conclusion tombe ainsi d’évidence : l’impression 3D relèverait « pour les consommateurs du domaine du gadget » et puisque les professionnels n’ont pas à payer la redevance, une telle modification de l’assiette est à ce jour « une réponse inadaptée, voire un message négatif pour les entreprises ». C’est peu ou prou ce qu’avait opposé Emmanuel Macron en avril 2014, lorsque l’amendement Yung fit apparition au Sénat…

La responsabilité des intermédiaires

Mais l’Institut national de la propriété industrielle a une autre cible en tête. Elle concerne cette fois, non les copies de sources licites, mais la problématique des contenus illicites. C’est la question de la responsabilité des intermédiaires techniques qui hébergent des fichiers numériques (modèles 3D) destinés à nourrir les équipements d’impression.

En septembre 2014, déjà, l’INPI avait préconisé de faire peser sur les intermédiaires « l’obligation de refuser la présence et l’impression d’objets dont la vente est réglementée et/ou dangereux [ou] portant sur des produits protégés par des droits de propriété intellectuelle et dont l’utilisation n’a pas été autorisé par les ayants droit ».

Le rapport 2016 poursuit sur cette lancée en notant avec vif intérêt les travaux sur le statut de la plateforme dans le projet de loi sur la République numérique. Ce statut accentue les obligations sur les épaules des hébergeurs, d’autant plus qu’un amendement a été adopté à l’Assemblée nationale pour contraindre les plateformes à élaborer des bonnes pratiques visant « à lutter contre la mise à disposition du public, par leur entremise, de contenus illicites », notamment par la mise en œuvre « de dispositifs techniques de reconnaissance automatisée » des contenus.

Deux soucis cependant : cette réforme s’inscrit dans le droit de la consommation, se pose du coup « la question de savoir si dans l’esprit du législateur les contenus illicites que les plateformes devront détecter recouvrent les objets couverts par des droits de propriété intellectuelle. L’insertion de cette disposition dans le code la consommation laisse supposer que cela ne sera pas le cas ». Deuxièmement, le sujet a fait l’objet de critiques de la part de Bruxelles, qui apprécie sans doute peu que la France fasse cavalier seul sur un chantier que la Commission envisage d’ouvrir dans toute l’Union.

Plus accessoirement, l’INPI demande aux ayants droit de mener une réflexion afin de mettre en place une offre légale dans ce secteur. Il suggère également la création d’un institut supérieur de l’impression 3D, pour fédérer les travaux dans les différentes filières intéressées.

Publiée le 14/03/2016 à 09:20

Marc Rees