Archives de catégorie : Législation

Contrefaçon et piratage : la Commission européenne a actualisé la liste des marchés sous surveillance

Le 14 décembre, la Commission européenne a actualisé la liste de surveillance de la contrefaçon et du piratage, sur la base des résultats d’une consultation publique réalisée au cours du premier semestre 2020.

Publiée en 2018, cette liste, non exhaustive, s’inspire de celle tenue par le Bureau du représentant américain au commerce (Notorious Markets List). Elle répertorie les marchés en ligne et les marchés physiques situés en dehors de l’UE dont il a été signalé qu’ils commettent ou facilitent d’importantes atteintes aux droits de propriété intellectuelle, aux dépens des consommateurs de l’UE.

L’objectif poursuivi par l’exécutif européen est double :

  • encourager les opérateurs des marchés, les autorités locales de contrôle et les gouvernements à prendre des mesures pour lutter contre les atteintes à la propriété intellectuelle ;
  • sensibiliser les citoyens de l’UE aux risques liés à l’environnement, à la sécurité des produits et à d’autres risques liés aux achats sur des marchés problématiques.

Les marchés sous surveillance sont répartis en quatre catégories :

  • les sites internet proposant des contenus protégés par le droit d’auteur ;
  • les plateformes de commerce électronique ;
  • les pharmacies en ligne ;
  • les marchés physiques.

La liste doit être actualisée tous les deux ans.

Vous pouvez en prendre connaissance en cliquant ici.

Évaluation de la lutte contre la contrefaçon : les députés Blanchet et Bournazel ont présenté leur rapport d’information

Le 9 décembre, les députés Christophe Blanchet (Calvados) et Pierre-Yves Bournazel (Paris) ont présenté leur rapport d’information sur l’évaluation de la lutte contre la contrefaçon.

Ce document est le fruit des travaux qu’ils ont conduits dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).

Pour mener ces travaux d’évaluation, les rapporteurs ont sollicité l’assistance de la Cour des comptes, qui leur a remis un rapport s’inscrivant dans le prolongement de celui que les magistrats de la rue Cambon avaient publié en 2014.

Le rapport du CEC comprend dix-huit propositions. Nombre d’entre elles rejoignent celles formulées par le CNAC, ce dont je me réjouis. Je forme le vœu qu’elles puissent rapidement trouver une traduction législative et/ou réglementaire. Il y va de la protection des consommateurs et de la défense de l’innovation.

Proposition n°1 : Autoriser les Douanes à pratiquer des coups d’achat pour les médicaments et les matières premières à usage pharmaceutique.

Proposition n°2 : Inciter les maires à se saisir de l’expérimentation relative à la verbalisation de la vente à la sauvette par la police municipale et construire une collaboration plus étroite avec les services de la police nationale.

Proposition n°3 : Informer les consommateurs sur l’impact négatif des contrefaçons à différents moments clés de l’éducation ou de la vie économique : école, collège, lycée, service national universel, achats sur des sites internet ou des réseaux sociaux.

Proposition n°4 : Adopter une stratégie nationale et un plan d’action de lutte contre la contrefaçon, et charger un délégué interministériel d’assurer sa mise en œuvre.

Proposition n°5 : Charger l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) de collecter l’ensemble des données utiles à la quantification de la contrefaçon et au recensement de l’action des administrations.

Proposition n°6 : Instituer une procédure administrative d’avertissement ou de blocage des sites internet proposant à la vente des produits contrefaisants.

Proposition n°7 : Instituer des agents assermentés pour le droit des marques autorisés à constater une infraction commise sur internet et à exiger, pour le compte du titulaire de droits, qu’il soit mis fin à l’exposition et à la vente de contrefaçon sur des plateformes commerciales ou des réseaux sociaux.

Proposition n°8 : Renforcer l’efficience du blocage des sites commercialisant des contrefaçons :

  • introduire dans le code de la propriété intellectuelle une disposition permettant à l’autorité judiciaire de prononcer la suspension groupée de nombreux noms de domaine et de comptes de réseaux sociaux, et le regroupement des plaintes contre les sites les plus actifs ;
  • prévoir un texte d’application a) précisant que le plaignant n’aura pas besoin de démontrer un lien ou une connexité entre les différents sites dont le blocage est demandé, considérant qu’ils sont liés de fait par l’atteinte commune qu’ils portent à la marque ; b) réduisant le formalisme de la preuve pour admettre les copies d’écran et attestations d’un agent assermenté en droit des marques ; c) autorisant l’injonction par le juge de retrait de contenus identiques ou équivalents à un contenu qui a déjà fait l’objet d’un constat d’illicéité ;
  • prévoir une disposition précisant expressément qu’en cas d’impossibilité de connaître le responsable du site, l’injonction s’adresse au prestataire de service intermédiaire ;
  • prévoir les modalités d’un transfert de la propriété du nom de domaine suspendu au titulaire de droits afin d’en empêcher la reconstitution ;
  • instituer une obligation d’avertissement du consommateur sur la page du site suspendu pour contrefaçon ou vente illégale mentionnant la condamnation intervenue.

Proposition n°9 : Évaluer les décisions rendues par les tribunaux en matière de contrefaçon en s’intéressant particulièrement à l’analyse des dommages-intérêts et aux condamnations aux dépens.

Proposition n°10 : Instituer dans le code de la propriété intellectuelle une amende civile à l’encontre du vendeur de contrefaçon, proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur du délit et aux profits qu’il en aura retirés.

Proposition n°11 : Faciliter la défense des droits de propriété intellectuelle des entreprises :

  • créer un organisme sous la forme juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP) ou d’une association pour conseiller et apporter une aide aux titulaires de droits, en particulier les PME ;
  • autoriser à se pourvoir en justice une association existante ou à créer spécifiquement à cet effet, sur le modèle de l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) ;
  • étudier l’extension de l’action de groupe au domaine de la contrefaçon.

Proposition n°12 : Mieux lutter contre les ventes illicites de tabac :

  • appliquer l’article 29 de la loi n°2018-898 relative à la lutte contre la fraude qui oblige les réseaux sociaux à énoncer que la vente de tabac est illégale ;
  • dresser le bilan de l’amende forfaitaire sanctionnant l’achat à la sauvette de tabac et étudier la possibilité de sanctionner la détention de tabac illicite comme celle de stupéfiants ;
  • sensibiliser les réseaux sociaux à leur obligation de retirer les annonces illégales sans intervention du titulaire de droits, de la même manière qu’ils coopèrent pour supprimer les contenus haineux.

Proposition n°13 : Adapter l’organisation judiciaire aux mutations du commerce international en ligne :

  • dédier une chambre juridictionnelle dans certains gros tribunaux judiciaires aux litiges relatifs au commerce en ligne ;
  • permettre aux détenteurs de droits de déposer leurs requêtes en ligne ;
  • limiter la rotation des magistrats dans les postes spécialisés dans la propriété intellectuelle et les litiges relatifs au commerce en ligne.

Proposition n°14 : Intégrer la contrefaçon dans la feuille de route politique de l’Union européenne, prioriser la lutte contre la contrefaçon au sein des missions de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) et d’Europol.

Proposition n°15 : Reconnaître la responsabilité des plateformes de commerce électronique et des réseaux sociaux en cas de mise en vente de produits contrefaisants et leur imposer un devoir de vigilance, reposant notamment sur :

  • une obligation de retirer dans un délai maximal la marchandise du site après réception d’une notification motivée de la part d’un titulaire de droits ;
  • une obligation de transparence sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre la vente de contrefaçon ;
  • une obligation de coopérer avec leurs autorités administratives pour les demandes d’information ;
  • une obligation d’exiger l’identité des vendeurs professionnels ;
  • une obligation de remboursement du client trompé sur la qualité de la marchandise ;
  • une obligation d’information des consommateurs lorsqu’ils ont été exposés à des produits de contrefaçon.

Proposition n°16 : Faire figurer la protection des droits de la propriété intellectuelle dans tous les accords commerciaux bilatéraux signés par l’Union européenne.

Proposition n°17 : Réglementer plus efficacement la vente en ligne de médicaments :

  • renforcer les obligations des registraires de noms de domaine en ce qui concerne les sites de vente de médicaments ;
  • imposer aux plateformes de commerce électronique des mesures proactives pour retirer les médicaments falsifiés en vente ;
  • prévoir pour les réseaux sociaux une obligation de mettre en place des filtres dès lors qu’il s’agit d’offres ou incitations à vendre des médicaments.

Proposition n°18 : Prévoir des publications périodiques sur les falsifications de médicaments au sein de l’Union européenne.

Vous pouvez lire le rapport d’information en cliquant ici.

Lutte contre la contrefaçon: la Commission européenne propose de mettre en place une boîte à outils européenne

Le 25 novembre, la Commission européenne a publié son plan d’action en faveur de la propriété intellectuelle.

Ce document s’inscrit dans le prolongement de la nouvelle stratégie industrielle de l’UE, qui a été adoptée le 10 mars dernier. Il repose sur le constat que les secteurs à forte intensité de droits de propriété intellectuelle « jouent un rôle essentiel dans l’économie de l’UE ». Ces secteurs représentent actuellement près de 45% du PIB de l’UE et contribuent directement à la création de presque 30% de l’ensemble des emplois.

La principale ambition de l’exécutif européen est d’« aider les entreprises à tirer parti de leurs inventions et de leurs créations, tout en veillant à ce que ces dernières soient utiles à l’économie et à la société dans leur ensemble ».

Les États membres sont invités à s’appuyer sur le plan d’action pour « élaborer leurs politiques et stratégies nationales en matière de propriété intellectuelle ». Ils sont en outre encouragés à « faire de l’amélioration de la protection et du respect de la propriété intellectuelle une priorité dans le cadre de leurs propres efforts visant à assurer la reprise économique ».

Pour ce qui concerne la lutte contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle, la Commission juge nécessaire d’« intensifier les efforts », au regard de la progression des importations de contrefaçons et de marchandises pirates dans l’UE (6,8% des importations de l’UE en 2016, contre 5% en 2013).

Outre la clarification et le renforcement de la responsabilité des plateformes en ligne (un train de mesures doit être présenté le 9 décembre), la Commission propose de renforcer les capacités des autorités chargées de faire appliquer la législation. Concrètement, les États membres sont invités à « inclure la criminalité liée à la propriété intellectuelle parmi les priorités du prochain cycle politique de l’UE […] pour la période 2022-2025 ». De plus, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) devrait voir son mandat élargi. Il serait chargé, d’une part, d’empêcher l’entrée de contrefaçons sur le marché unique et, d’autre part, d’agir contre la production de contrefaçons dans l’UE.

La Commission envisage également de soutenir les autorités douanières des États membres en vue d’améliorer les mesures de gestion des risques et de lutte antifraude : mise en place, à l’échelle de l’UE, d’une « couche de capacités d’analyses des données » ; amélioration de la dotation des États membres en équipements de contrôle douanier ; renforcement de la coopération au sein de l’UE et avec les autorités douanières des pays partenaires.

Afin de renforcer la coopération entre tous les acteurs concernés (titulaires de droits, plateformes en ligne, services de paiement, etc.), la Commission a prévu de mettre en place une boîte à outils européenne de lutte contre la contrefaçon (partage de données pertinentes sur les produits et les commerçants ; utilisation de nouvelles technologies telles que la reconnaissance d’images, l’intelligence artificielle et la chaîne de blocs).

La Commission souhaite par ailleurs encourager les « campagnes visant à lutter contre l’entrée sur le marché des contrefaçons les plus préjudiciables pour les consommateurs ».

S’agissant du vol informatique de secrets d’affaires (60 milliards d’euros de pertes dans l’UE), la Commission souhaite promouvoir la sensibilisation à la cybersécurité ainsi que la gestion experte de la propriété intellectuelle (élaboration d’outils de sensibilisation et d’orientations ciblées).

Le plan d’action prévoit quatre autres volets.

En dépit de progrès incontestables, le système européen de propriété intellectuelle demeure fragmenté. Aussi, la Commission propose-t-elle d’améliorer la protection de la propriété intellectuelle. L’objectif est de « faire en sorte que les innovateurs de l’UE aient accès à des outils de protection rapides, efficaces et abordables » :

  • déploiement rapide du système du brevet européen à effet unitaire (le lancement de ce système est subordonné à la ratification, par l’Allemagne, de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet) ;
  • révision de la législation de l’UE sur la protection des dessins et modèles (« améliorer l’accessibilité et le caractère abordable de la protection des dessins ou modèles dans l’UE », « faire en sorte que le régime de protection des dessins ou modèles soutienne davantage la transition vers l’économie verte et numérique ») ;
  • renforcement de la protection des indications géographiques agricoles (les IG agricoles représentent 15,5% du total des exportations agroalimentaires de l’UE) ;
  • évaluation de la faisabilité d’un système européen de protection des indications géographiques non agricoles (les IG non agricoles « constituent souvent un élément important de l’identité locale, favorisent le tourisme, nécessitent des compétences uniques et contribuent à la création d’emplois ») ;
  • évaluation de la législation européenne relative aux obtentions végétales (le régime de protection communautaire des obtentions végétales contribue à la « réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe et des objectifs de développement durable des Nations unies ») ;
  • amélioration du régime des certificats complémentaires de protection (les CCP offrent une période supplémentaire de protection de la propriété intellectuelle pour les médicaments et produits phytopharmaceutiques brevetés) ;
  • examen de l’incidence des nouvelles technologies sur le système de propriété intellectuelle (l’intelligence artificielle et la chaîne de blocs « peuvent contribuer à faciliter la protection de la propriété intellectuelle […] et permettre une distribution plus souple des droits de licence et une lutte plus efficace contre la contrefaçon et le piratage ») ;
  • soutien à la transposition et à la mise en œuvre des deux directives de 2019 relatives au droit d’auteur (la Commission publiera prochainement des orientations en vue d’aider les États membres à mettre en œuvre « l’article 17 de la directive sur le droit d’auteur, qui établit un régime juridique spécifique pour l’utilisation de contenus protégés par le droit d’auteur par les plateformes de partage de contenus téléversés par leurs utilisateurs ») ;
  • suivi de l’application de la directive sur les biotechnologies (la Commission considère que les « brevets dans le domaine des biotechnologies offrent des incitations essentielles, mais ils devraient être délivrés dans des circonstances justifiées »).

Regrettant que seules 9% des petites et moyennes entreprises de l’UE ont enregistré des droits de propriété intellectuelle, la Commission propose de « stimuler l’adoption de la propriété intellectuelle par les PME »: mise en place, à compter du premier trimestre 2021, d’un « dispositif de chèques PI en faveur des PME permettant de financer l’enregistrement des droits de propriété intellectuelle et la fourniture de conseils stratégiques en matière de propriété intellectuelle » (20 millions d’euros) ; amélioration de l’accès aux informations et aux conseils en matière de propriété intellectuelle (création du Centre d’information européen sur la propriété intellectuelle et déploiement des services d’assistance en matière de propriété intellectuelle pour les PME dans le cadre du programme Horizon Europe et d’autres programmes de l’UE) ; facilitation de l’utilisation de la propriété intellectuelle comme levier d’accès au financement (amélioration de la prise en considération des actifs intellectuels des PME par la communauté financière) ; encouragement de la « valorisation de la propriété intellectuelle dans le cadre de l’évaluation des entreprises par les investisseurs » ; amélioration des « conditions permettant aux entreprises de protéger et d’utiliser la propriété intellectuelle dans les marchés publics ; etc.

La crise liée à la COVID-19 a fait apparaître « la dépendance de l’UE à l’égard des innovations et technologies critiques ». Partant, la Commission propose de faciliter le partage de la propriété intellectuelle :

  • incitation à la mise en commun rapide de la propriété intellectuelle en temps de crise (instauration de procédures accélérées pour la délivrance de licences obligatoires dans les situations d’urgence [1] ; renforcement de la coordination dans le domaine des licences obligatoires) ;
  • renforcement de la performance de l’« infrastructure du droit d’auteur » (amélioration de la « disponibilité d’informations faisant autorité et actualisées sur les titulaires de droits, les conditions et les possibilités d’octroi de licences ») ;
  • réforme du cadre régissant les brevets essentiels liés à une norme (mise en œuvre de « règles stables, efficientes et équitables » en matière d’octroi de licences, etc.) [2] ;
  • promotion du partage des données protégées par des droits de propriété intellectuelle (précision du champ d’application de la directive sur les secrets d’affaires et révision de la directive sur les bases de données).

Constatant que les entreprises européennes « continuent de faire face à de sérieux défis lorsqu’elles opèrent dans des pays non membres de l’UE » (respect insuffisant des règles relatives à la propriété intellectuelle, transfert forcé de technologies, etc.), la Commission souhaite « promouvoir des conditions de concurrence équitables au niveau mondial » :

  • renforcement de la position de l’UE en tant qu’initiatrice de normes sur la propriété intellectuelle à l’échelle mondiale (inclusion, dans les accords de libre-échange, de « chapitres ambitieux sur la propriété intellectuelle comprenant des normes élevées de protection » ; mise en œuvre intégrale des dispositions relatives à la propriété intellectuelle dans les accords de libre-échange existants ; promotion de réformes dans le cadre des dialogues sur la propriété intellectuelle avec les principaux partenaires commerciaux et d’autres pays prioritaires ; renforcement des programmes de coopération technique « IP Key ») ;
  • intensification des efforts pour protéger les entreprises de l’UE contre les pratiques déloyales auxquelles se livrent des acteurs de pays tiers (utilisation de la liste de surveillance de la contrefaçon et du piratage [3] ; utilisation du rapport sur les pays tiers [4] ; activation, par les États membres, de leurs mécanismes de filtrage des investissements étrangers ; mise en place de nouvelles conditions-cadres pour la coopération internationale en matière de recherche avec des entités de pays non membres de l’UE ; utilisation des mesures restrictives disponibles pour lutter contre le cyber-espionnage visant à dérober des actifs européens de pointe en matière de propriété intellectuelle ; amélioration de la coordination européenne en vue de « définir et défendre des normes mondiales de protection de la propriété intellectuelle et les meilleures solutions possibles aux nouveaux défis » au sein des instances internationales ; renforcement de l’assistance technique en vue d’« aider les pays en développement à tirer le meilleur parti de la propriété intellectuelle » ; etc.).

Pour en savoir plus, cliquez ici.

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[1] La délivrance de licences obligatoires correspond à la « situation dans laquelle les pouvoirs publics autorisent une partie à utiliser une invention brevetée sans le consentement du titulaire du brevet ».
[2] Les brevets essentiels liés à des normes sont des « brevets portant sur des technologies intégrées dans des normes ». Ils « jouent un rôle déterminant dans le développement de la 5G et de l’Internet des objets ».
[3] La liste de surveillance de la contrefaçon et du piratage répertorie les marchés et les fournisseurs de services qui se livrent à la contrefaçon ou au piratage, facilitent ces activités ou en bénéficient.
[4] Le rapport sur les pays tiers recense les pays tiers dans lesquels la situation en matière de protection et de respect des droits de propriété intellectuelle suscite les préoccupations les plus grandes.

Forum de Paris sur la Paix: le Conseil de l’Europe promeut la convention dite « Médicrime »

À l’occasion de la troisième édition du Forum de Paris sur la Paix (11-13 novembre), le Conseil de l’Europe a présenté la convention dite « Médicrime ».

Seul instrument juridique international criminalisant la fabrication et la distribution de produits médicaux falsifiés, cette convention a été ouverte à la signature en 2011 et est entrée en vigueur en 2016. Elle a déjà été ratifiée par 18 pays, dont 14 membres du Conseil de l’Europe, la Biélorussie, le Bénin, le Burkina Faso et la Guinée.

Ses enjeux sont essentiels dans un contexte où la distribution de masse de produits médicaux falsifiés est désormais une industrie lucrative et peu risquée, facilitée par Internet. Elle n’épargne aucun pays et la pandémie de COVID-19 lui a ouvert une voie royale, comme le soulignait la secrétaire générale du Conseil de l’Europe dans une tribune publiée début mai. Marija Pejčinović Burić y évoquait l’opération « Pangea » lancée par Interpol dès le début de la crise sanitaire, au mois de mars. 121 arrestations en ont résulté, assorties de la saisie de produits pharmaceutiques potentiellement dangereux d’une valeur de plus de 13 millions d’euros (masques inopérants, « trousses coronavirus » fantaisistes, faux kits de tests, etc.). Et ce n’est que la « partie émergée de l’iceberg », soulignait la secrétaire générale du Conseil de l’Europe.

Face à ce fléau, la convention dite « Médicrime » propose une riposte suivant trois axes :

  • plein usage de la justice pénale pour incriminer les auteurs de ces infractions crapuleuses ;
  • coopération nationale (douaniers, forces de l’ordre, agences, organes de régulation, hôpitaux, pharmacies, etc.) et internationale (partage des preuves et des informations) ;
  • protection des droits des victimes.

L’adhésion à la convention permet d’aider les gouvernements à se doter des bons outils pour lutter contre la contrefaçon et la distribution de produits médicaux, au mieux inopérants, au pire dangereux, voire fatals, estime le Conseil de l’Europe, déterminé à promouvoir ce texte qui représente à ses yeux « un moyen unique de parvenir à une véritable gouvernance mondiale de la santé publique ».

Protection des dessins et modèles par le droit d’auteur : ma question au Gouvernement

Le 4 juin, ma question écrite relative à la protection des dessins et modèles par le droit d’auteur a été publiée au Journal officiel.

Vous en trouverez, ci-dessous, le texte.

Question n° 16565 adressée à M. le ministre de l’économie et des finances

M. Richard Yung attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur l’arrêt que la Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 12 septembre 2019 dans l’affaire Cofemel contre G-Star. Saisie par la Cour suprême portugaise de questions préjudicielles relatives à la protection des dessins et modèles par le droit d’auteur, la CJUE a répondu, d’une part, que l’octroi d’une protection, au titre du droit d’auteur, à un objet déjà protégé en tant que dessin ou modèle « ne saurait être envisagé que dans certaines situations » et, d’autre part, que l’article 2, sous a), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information « doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une législation nationale confère une protection, au titre du droit d’auteur, à des modèles […], au motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique ». Il lui demande quelle analyse le Gouvernement fait de cet arrêt. Il lui demande également si l’interprétation retenue par la CJUE n’est pas de nature à remettre en cause « la règle, traditionnelle en France, du cumul total de protection entre le droit d’auteur et le droit spécifique sur les dessins et modèles, règle issue de la théorie de l’unité de l’art ».

Transposition du « paquet marques»: vers un renforcement de la lutte contre la contrefaçon

Le 14 novembre, le Gouvernement a publié une ordonnance relative aux marques de produits ou de services.

Prise sur le fondement de l’article 201 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, cette ordonnance a pour objet principal de transposer la directive du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques. Cette transposition vise à moderniser et rendre plus performants les dispositifs de protection des marques.

L’ordonnance prévoit notamment :

  • la possibilité de déposer de nouveaux types de marques (marques sonores ou animées) ;
  • la réduction du coût du dépôt pour les marques visant une seule classe de produits ou de services ;
  • la mise en place de deux régimes distincts de marques collectives (marques exploitées par une pluralité d’acteurs) et de marques de garantie (marques présentant des garanties quant à certaines caractéristiques des produits ou services visés) ;
  • la création d’une procédure administrative de nullité et de déchéance des marques (possibilité, pour les tiers, d’introduire, directement auprès de l’Institut national de la propriété industrielle, une requête en nullité ou en déchéance d’une marque portant notamment atteinte à leurs propres droits et titres).

Afin de renforcer la lutte contre la contrefaçon, l’ordonnance prévoit la sanction des actes préparatoires à la contrefaçon, notamment « l’apposition d’un signe identique ou similaire à la marque sur des conditionnements, des étiquettes ou plus généralement sur tout autre support sur lequel la marque peut être apposée ».
Par ailleurs, elle ouvre la voie au rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises qui, d’une part, sont soupçonnées de contrefaire des marques nationales et, d’autre part, sont en transit en provenance d’un État tiers à l’UE et à destination d’un autre État tiers (transit externe). Ce faisant, elle opère un renversement de la jurisprudence dite « Nokia-Philips ». Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 1er décembre 2011 dans les affaires « Nokia » et « Philips », la Cour de justice de l’Union européenne conditionne l’intervention des autorités douanières à la nécessité de prouver que les marchandises en transit externe soupçonnées de contrefaçon « sont destinées à une mise en vente dans l’Union européenne ».

Il convient de préciser que les contrôles douaniers sur les marchandises en transit externe soupçonnées de contrefaire des marques communautaires ont été rétablis à la suite de l’entrée en vigueur du règlement du 16 décembre 2015 sur la marque communautaire.

Brevet européen à effet unitaire et juridiction unifiée du brevet: dépôt du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 9 mai 2018

Lors du conseil des ministres du mercredi 24 octobre, la garde des sceaux a présenté le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet (JUB).

Vous trouverez, ci-dessous, l’extrait du compte rendu du conseil des ministres relatif à ce texte.

La garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté un projet de loi portant ratification de l’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet.

Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ayant habilité le Gouvernement à prendre des mesures relevant du domaine de la loi pour mettre en œuvre l’Accord sur une juridiction unifiée du brevet, signé à Bruxelles le 19 février 2013, et pour assurer la compatibilité de la législation avec les deux règlements (UE) n° 1257/2012 et n° 1260/2012 du 17 décembre 2012 adoptés à l’issue d’une procédure de coopération renforcée entre États membres dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet.

C’est pour répondre aux inconvénients du système actuel du brevet européen que ces textes formant le « paquet brevet » ont été adoptés. Actuellement, la protection octroyée par un brevet européen n’a pas d’effet automatique dans les 38 États parties à la convention de Munich du 5 octobre 1973 car le brevet européen est constitué d’une pluralité de brevets nationaux. Ce système engendre des frais importants pour les titulaires de brevets. De plus, en cas d’atteinte à ses droits sur le territoire de plusieurs États membres de l’Union, le titulaire d’un brevet européen est souvent contraint de saisir plusieurs juridictions nationales.

Le brevet européen à effet unitaire institué par le règlement précité n° 1257/2012 confèrera à son titulaire une protection de son innovation uniforme dans les 26 États participants à la coopération renforcée, tout en réduisant significativement les coûts pour les entreprises et les particuliers. Une juridiction unique commune à ces États membres, la juridiction unifiée des brevets, sera exclusivement compétente pour connaître des actions relatives au brevet européen à effet unitaire et pour connaître, à terme, des actions relatives aux brevets européens. Les titulaires de brevets bénéficieront de décisions rapides et exécutoires sur l’ensemble des territoires des États membres participants. La création de cette nouvelle juridiction permettra ainsi de renforcer la sécurité juridique des titulaires de titres, d’améliorer la lutte contre la contrefaçon et de diminuer les frais de procédure. La France accueillera le siège de la division centrale du tribunal de première instance et son premier président sera français.

L’ordonnance modifie le code de la propriété intellectuelle, en prévoyant, notamment, l’articulation entre les différents brevets, la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet, la diffusion aux tiers par l’Institut national de la propriété industrielle des informations relatives au brevet européen à effet unitaire et l’extension des effets de ce brevet aux territoires d’outre-mer.

Ainsi la législation française sera parfaitement adaptée lorsqu’interviendra l’entrée en vigueur de l’accord sur la juridiction unifiée du brevet, ratifié par la France par la loi n° 2014-199 du 24 février 2014 autorisant la ratification de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet.

L’ensemble du dispositif constitue une avancée considérable pour favoriser les investissements dans la recherche et la compétitivité des entreprises.

Réforme de la justice: le Sénat n’a pas adopté mes amendements relatifs au contentieux de la propriété intellectuelle

Le 23 octobre, le Sénat a adopté le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ainsi que le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions.

Le projet de loi de programmation prévoit notamment une extension de la possibilité de recourir à l’enquête sous pseudonyme « à tous les crimes et aux délits punis d’une peine d’emprisonnement lorsque ces infractions sont commises par un moyen de communication électronique » (article 28). Grâce à cette disposition, les officiers et agents de police judiciaire de la gendarmerie nationale pourront, à l’instar des douaniers, procéder à des « coups d’achat » dans le cadre de la lutte anti-contrefaçon. Concrètement, ils pourront acquérir, par le biais d’Internet, une certaine quantité de produits soupçonnés de constituer des contrefaçons afin de vérifier si la contrefaçon est ou non avérée. Ces actes pourront être effectués par des enquêteurs qui, d’une part, auront été habilités par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle ils exercent habituellement leurs fonctions et, d’autre part, auront suivi une formation spécifique. Je me réjouis de cette disposition.

En revanche, je regrette que le Sénat n’ait pas adopté mes trois amendements relatifs au contentieux de la propriété intellectuelle.

Mon premier amendement visait à concrétiser une recommandation que mon ancien collègue Laurent Béteille et moi avions formulée en 2011 dans un rapport d’information sur l’évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. Cette loi avait marqué une étape très importante dans la spécialisation des juridictions civiles en matière de propriété intellectuelle. À l’initiative du Sénat, elle avait notamment renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de confier une compétence exclusive à certains tribunaux. Le TGI de Paris est ainsi seul compétent pour les brevets d’invention, les certificats d’utilité, les certificats complémentaires de protection et les topographies de produits semi-conducteurs. Par ailleurs, dix TGI, dont celui de Paris, connaissent des actions relatives aux autres titres de propriété intellectuelle.
Cette concentration des compétences présente de nombreux avantages. Non seulement elle améliore le fonctionnement de l’institution judiciaire, mais elle est aussi un élément essentiel du rayonnement international du droit français et de l’attractivité juridique du territoire français, dans un contexte de forte concurrence des systèmes juridiques nationaux.
Il ressort de l’analyse du volume des dossiers traités par chacun des dix TGI spécialisés que cinq TGI traitent moins de 5% du contentieux de la propriété intellectuelle. Cette situation n’est pas satisfaisante au regard de la technicité du contentieux concerné et de l’impérieuse nécessité d’assurer une justice de qualité.
Afin d’y remédier, j’ai proposé de réduire de moitié le nombre de TGI pouvant être désignés pour connaître des actions en matière de marques, de dessins et modèles, d’indications géographiques, d’obtentions végétales et de propriété littéraire et artistique. Ce renforcement de la spécialisation des juridictions civiles permettrait notamment d’harmoniser la jurisprudence.
Pour ce qui concerne le contentieux marginal des obtentions végétales, j’ai proposé de le confier au seul TGI de Paris. Le nombre minimal de TGI spécialisés en matière d’obtentions végétales a certes été supprimé du code de la propriété intellectuelle en 2011. Cependant, le tableau V annexé à l’article D. 211-5 du code de l’organisation judiciaire indique que dix TGI sont toujours compétents pour connaître des actions en matière d’obtentions végétales. Cela n’est pas raisonnable lorsque l’on sait que ce contentieux représente en moyenne une dizaine d’affaires par an.
La garde des sceaux, Nicole Belloubet, a été « sensible » à cet amendement, qui va dans le sens de la réforme qu’elle porte, à savoir « la recherche d’une spécialisation pour des contentieux techniques et de volumétrie relativement faible ». Cependant, elle a considéré que « les dispositions proposées relèvent du domaine réglementaire, et non du domaine de la loi ».

Mon deuxième amendement visait à concrétiser une autre recommandation de mon rapport d’information de 2011. Il partait du constat de l’insuffisance de la réponse pénale au phénomène de la contrefaçon ordinaire, c’est-à-dire les délits de contrefaçon autres que ceux présentant une grande complexité. Les juridictions répressives se voient reprocher leur manque de fermeté, tant sur les sanctions pénales que sur les indemnisations civiles.
Cette timidité de la réponse pénale s’explique notamment par l’absence de spécialisation des juridictions répressives. Elle est par ailleurs la principale raison pour laquelle les juridictions répressives sont peu saisies d’atteintes aux droits de la propriété intellectuelle.
Afin de remédier à cette situation préjudiciable aux titulaires de droits, j’ai proposé de confier à cinq tribunaux correctionnels une compétence exclusive pour les dossiers « simples » de contrefaçon.
En revanche, je n’ai pas proposé pas de modifier le traitement pénal des affaires de contrefaçon présentant une grande complexité. Ces affaires relèvent de la compétence des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), conformément à l’article 704 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, j’ai plaidé pour la création, au sein des juridictions spécialisées, d’une chambre mixte de propriété intellectuelle associant des magistrats civilistes et pénalistes. Une telle initiative permettrait, selon moi, une amélioration du dialogue des juges ainsi qu’une harmonisation des montants d’indemnisation des titulaires de droits.

Quant à mon troisième amendement, il visait à obliger le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport évaluant la possibilité de créer un tribunal de la propriété intellectuelle pour les entreprises, en vue de faciliter l’accès à la justice des petites et moyennes entreprises (PME) et de simplifier le règlement des petits litiges ayant trait à la propriété intellectuelle.
Certains titulaires de droits de propriété intellectuelle – à commencer par les PME – sont actuellement dissuadés de saisir la justice en raison, d’une part, de coûts de procédure disproportionnés par rapport au montant de la demande et, d’autre part, de délais de jugement trop longs.
Afin de lever ces obstacles, j’ai proposé d’étudier la possibilité de créer une juridiction spécialisée, sur le modèle de celle mise en place au Royaume-Uni. Cette dernière, dénommée IPEC, a été créée en 2013. Elle met en œuvre deux procédures simplifiées: l’une est destinée aux PME, l’autre s’applique aux petits litiges. Le montant maximal des coûts de procédure et des dommages et intérêts est plafonné. Les délais de jugement sont, par ailleurs, strictement encadrés. Chaque année, environ 400 affaires sont traitées dans le cadre des deux procédures. Un rapport d’évaluation publié en 2015 montre que la mise en place de l’IPEC a porté ses fruits et instillé une nouvelle culture juridique, dont il conviendrait de s’inspirer.

Question orale sur l’éducation à la propriété intellectuelle: réponse du Gouvernement

Le 24 juillet, j’ai interrogé le Gouvernement sur l’éducation à la propriété intellectuelle.

Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo et le compte rendu de mon intervention et de la réponse du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel BLANQUER.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 223, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, ma question porte sur le rapport de nos jeunes, en particulier de nos jeunes scolarisés, à la propriété intellectuelle. Celle-ci est l’un des moyens de protéger la création, l’innovation, l’inventivité, sous la forme de brevets ou de marques dans le secteur commercial. Elle protège aussi la création artistique ou littéraire sous toutes ses formes.

La France est dans ce domaine particulièrement active et avancée : pour les brevets, nous sommes, je crois, le quatrième pays au monde, et en matière de création artistique je crois que nous ne nous portons pas si mal.

Or une récente étude de l’Office de l’Union européenne pour la propriété industrielle dresse un constat inquiétant : les jeunes de quinze à vingt-quatre ans en France sont les plus tolérants vis-à-vis de la contrefaçon et du piratage. Ainsi, 15 % d’entre eux reconnaissent avoir intentionnellement acheté un produit contrefaisant, tandis que 27 % admettent avoir sciemment accédé à des contenus provenant de sources en ligne illégales. Ils sont même 41 % à trouver l’achat de contrefaçons admissible si le prix de l’original est trop élevé. On voit bien quel est le raisonnement suivi et quel est l’état d’esprit dans cette classe d’âge.

Plus grave encore, une partie de ces jeunes considère que la propriété intellectuelle freine l’innovation – c’est une théorie qui circule, pas seulement chez les jeunes – et serait donc plutôt favorable à sa suppression.

Ces résultats font apparaître la nécessité impérieuse de leur inculquer la compréhension et le respect des droits des innovateurs. Plusieurs initiatives ont déjà été prises par les secteurs public et privé pour renforcer l’éducation dans ce domaine. En particulier, des campagnes de communication et de sensibilisation ont été menées par l’Union des fabricants, et l’Institut national de la protection industrielle propose des programmes de formation destinés aux professeurs.

Je pense que l’on peut aller plus loin. Ainsi, il faudrait envisager de dispenser dans les classes du régime général, peut-être à partir de la sixième, un enseignement de sensibilisation aux questions de propriété intellectuelle, dans le cadre des cours d’économie ou des cours d’instruction civique.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Yung, le respect du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle est une question extrêmement importante pour le système scolaire. Comme vous l’avez expliqué, on peut considérer qu’elle fait pleinement partie, en particulier, de l’éducation morale et civique ; elle en est en tout cas une conséquence naturelle.

La propriété intellectuelle relève de plusieurs champs disciplinaires. C’est pourquoi on la trouve à plusieurs moments et dans plusieurs domaines de la vie de l’école. La défense du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle est essentielle pour notre pays, puisqu’elle garantit l’innovation et la qualité de la création.

À l’école, une action pédagogique régulière, que nous avons renforcée, est menée auprès des jeunes pour les sensibiliser et les former aux conditions d’accès aux œuvres et, plus généralement, à la notion de propriété intellectuelle.

Tout au long de la scolarité obligatoire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture offre une approche de la propriété intellectuelle, à travers l’objectif de maîtrise des outils numériques pour échanger et communiquer. De fait, la question de la propriété intellectuelle se pose beaucoup dans le champ numérique. L’élève doit savoir réutiliser des productions collaboratives pour enrichir ses propres réalisations, dans le respect des règles du droit d’auteur ; cela inclut l’éducation face au plagiat, qui concerne aussi les droits de création.

Les programmes scolaires comportent également une approche de ce sujet au collège, où la question de la propriété intellectuelle apparaît dans le programme de technologie au cycle 4, c’est-à-dire en classes de cinquième, quatrième et troisième. Il s’agit d’étudier les règles d’un usage raisonné des objets communicants respectant la propriété intellectuelle et l’intégrité d’autrui.

Cette thématique apparaît aussi dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information. Cette éducation constitue un vecteur privilégié pour problématiser la question, au travers de l’enjeu de l’accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion.

Au lycée, la notion de propriété intellectuelle est abordée dans de nombreux enseignements et sous différents angles.

Tout d’abord, dans le cadre de différents enseignements d’exploration, comme l’informatique, la création et l’innovation technologiques, ou encore les principes fondamentaux de l’économie et de la gestion, à travers le droit à la protection des données, le droit de propriété sur les informations présentes sur internet, les brevets et les droits d’auteur et le champ des droits et des licences.

Ensuite, en cycle terminal des lycées généraux, en sciences économiques et sociales, dans le cadre de l’enseignement d’informatique et de création numérique, mais aussi de l’enseignement particulièrement important intitulé « Droit et grands enjeux du monde contemporain » : le droit de propriété y est étudié en tant que tel, y compris les droits d’auteur, les brevets et les marques, de même que les droits et licences et l’existence de lois régissant la détention et la circulation des données numériques.

Dans la voie technologique, cette question est présente dans plusieurs séries. Par exemple, le droit de la propriété industrielle et la marque commerciale sont traités dans le cadre de l’enseignement d’économie.

Enfin, l’enseignement moral et civique permet d’aborder la notion de propriété intellectuelle en classe de première, dans la thématique « Les enjeux moraux et civiques de la société de l’information ».

Le Conseil supérieur des programmes est en train de réviser les programmes du lycée. J’ai précisé dans la lettre de saisine sur ces programmes qu’ils « contribueront à la formation intellectuelle et civique des jeunes générations ». Les notions liées à la propriété intellectuelle y seront donc nécessairement présentes, que ce soit dans le programme d’enseignement moral et civique ou dans plusieurs autres programmes, en particulier dans le cadre de l’accent qui sera mis, à ma demande, sur les enjeux juridiques.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour répondre à M. le ministre.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse et vous en remercie.

Les chiffres dont j’ai fait état montrent qu’il y a encore des efforts à faire. Des pays comme le Japon ou l’Allemagne assurent un enseignement très complet de propriété industrielle ; des concours permettent de sensibiliser les enfants, même tout petits, dès quatre ou cinq ans, à ces enjeux. Il faut bien expliquer à nos jeunes que le plagiat, la copie et la contrefaçon non seulement nuisent à l’économie et à l’emploi, mais sont dangereux pour eux et leur famille !

Le Parlement européen recale le mandat sur les ‘droits d’auteur’

Bruxelles, 05/07/2018 (Agence Europe) – Retour à la case départ. Jeudi 5 juillet, une majorité d’eurodéputés a choisi de rejeter le mandat de négociation de la commission des affaires juridiques sur la réforme du droit d’auteur, qui soutenait notamment la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse. Le dossier a été renvoyé à la prochaine session plénière (10 au 13 septembre).

C’est une trentaine de voix à peine qui ont fait la différence: 278 députés ont soutenu le mandat, 318 s’y sont opposés et 31 se sont abstenus. Cela signifie que 124 eurodéputés étaient absents au moment du vote. D’après un observateur, c’est le vote des Polonais, unanimement opposés au mandat, qui aurait fait la différence.

Une différence d’approche

Il faut dire que la proposition législative s’attaque à une question sensible : celle des outils à mettre en place pour lutter contre l’écart de valeur, à savoir la différence entre les profits d’une plate-forme qui met en ligne un contenu et ceux perçus par le créateur de ce contenu. Cette question touche une question de fond. En gros : faut-il, comme le réclame l’industrie créative, faire peser davantage d’obligations légales sur les grosses plates-formes du type YouTube ou Dailymotion en vue de protéger la création européenne sur Internet ou faut-il éviter cette approche au nom de la liberté d’expression et la circulation de l’information, comme le prétendent les défenseurs d’un Internet libre et ouvert (et de facto, les plates-formes elles-mêmes) ?


Sur cette problématique, la Commission européenne avait choisi en septembre 2016 : – d’encourager les plates-formes stockant et fournissant un accès à de grandes quantités de contenu téléchargé par l’utilisateur à conclure des contrats de licence avec les ayants droit, à moins de jouer un rôle passif au titre de la directive ‘e-commerce’ (2001/29) ; – de les obliger à prendre des « mesures, telles que le recours à des techniques efficaces » pour faire appliquer ces accords ou pour empêcher le téléchargement des œuvres signalées comme protégées (par une empreinte digitale, par exemple).


Les ambassadeurs des États membres ont arrêté, sur base de cette proposition, la position de négociation du Conseil le 25 mai (EUROPE 12027) et la commission parlementaire des affaires juridiques (EUROPE 12045) a voté le 20 juin dernier. Parmi les principaux changements apportés par les deux institutions, citons, entre autres, l’introduction d’une définition des plates-formes concernées (‘fournisseurs de service de partage de contenu en ligne’) et de la notion d’acte de communication, qui exclut l’application de l’exemption de responsabilité au titre de la directive ‘e-commerce’.


Les votes à la loupe


Le nouveau règlement intérieur du Parlement européen permet à un dixième des députés de remettre aux voix un rapport adopté en commission parlementaire et supposé servir de base pour les négociations interinstitutionnelles. C’est sur cette disposition que se sont jetés, à l’ouverture de la session plénière, les groupes des Verts/ALE, l’ELDD et la GUE/NGL ainsi que 85 députés individuels. Une armada de lobbyistes avait également fait le déplacement, surtout des ayants droit.

Les derniers jours ont été intenses, l’eurodéputé chargé du dossier Axel Voss (PPE, allemand) affirmant avoir reçu plus de 600 000 mails au cours des deux dernières semaines. Virginie Rozière (S&D, française) a même été jusqu’à parler de menace de mort à l’encontre de ses collègues allemands.

Le suspens a régné jusqu’au dernier moment. Le PPE et le CRE avaient donné la consigne de voter en faveur du mandat, tandis que les S&D et l’ADLE n’avaient pas donné de consignes de vote. Pour ce qui est de la répartition des votes par nationalité, d’après la liste de vote, tous les députés polonais ont voté contre le mandat. A contrario, la plupart des députés français ont voté pour le mandat, à l’exception de deux députés Verts/ALE. Les députés allemands, eux, se sont montrés relativement divisés : la majorité des chrétiens-démocrates (PPE) ont suivi Axel Voss en votant pour le mandat, mais les autres groupes politiques ont majoritairement rejeté le texte.


Réactions


Les réactions ne se sont pas fait attendre. Sans surprise, les ayants droit se sont dits « déçus » par le vote, mais déterminés à poursuivre le combat.


Les éditeurs de presse, qui soutiennent l’article 11 de la proposition législative et du mandat en faveur de la création d’un nouveau droit voisin pour leur secteur, ont dénoncé un « lobbying intense de militants anti-copyright, des géants américains de l’Internet et d’intérêts acquis qui bénéficient du vol et de la monétisation du contenu de valeur des éditeurs ». La Scam, la maison des auteurs, a également dénoncé les moyens démesurés dépensés par les détracteurs du mandat, qu’elle chiffre à plus de 30 millions d’euros. Le groupe des auteurs a appelé à ne pas relâcher la pression, le GESAC (auteurs et compositeurs) a parlé d’« occasion manquée » tandis que la Société des auteurs audiovisuels (SAA) a mis en avant le risque de retard que fait peser ce vote sur le processus législatif. En effet, une fois la position du Parlement adoptée, les colégislateurs doivent encore entrer en négociation, ce qui implique plusieurs mois de discussions (alors que les élections européennes approchent à grands pas). Du côté du Parlement européen, Jean-Marie Cavada (ADLE, français) a parlé de « triste jour pour l’indépendance culturelle et la presse en Europe ». « Les libertés n’étaient pas menacées, mais aujourd’hui, la culture l’est », a ajouté la délégation socialiste française.

A contrario, le BEUC (consommateurs), l’EDRI (liberté sur Internet), la CCIA (qui représente Facebook et Google) et l’EDiMa (l’association des plates- formes en ligne) se sont largement félicités de l’issue du vote. L’EDiMa a même été jusqu’à se dire « content que la démocratie ait vaincu ». « Le débat législatif doit de toute urgence être réorienté. Internet doit rester un lieu où les consommateurs peuvent partager librement leurs propres créations, opinions et idées », a déclaré Monique Goyens, directrice générale du BEUC. Du côté des eurodéputés, Sven Giegold, Ska Keller et Philippe Lamberts ont twitté « Victoire ! ».

Le commissaire européen Andrus Ansip a déclaré pour sa part qu’il ferait son « maximum pour aider le Parlement à parvenir à un compromis dans la droite ligne des objectifs de la réforme initiale ». « Arrêtez les slogans des lobbies et commençons à chercher des solutions. Mon point de vue : (1) on ne doit pas accepter de compromis qui mette en danger la liberté d’expression et les hyperliens ; (2) on ne doit pas accepter de laisser les artistes et la qualité des médias non protégés », a-t-il conclu. (Sophie Petitjean)