Contrefaçon et piratage : la Commission européenne a actualisé la liste des marchés sous surveillance

Le 14 décembre, la Commission européenne a actualisé la liste de surveillance de la contrefaçon et du piratage, sur la base des résultats d’une consultation publique réalisée au cours du premier semestre 2020.

Publiée en 2018, cette liste, non exhaustive, s’inspire de celle tenue par le Bureau du représentant américain au commerce (Notorious Markets List). Elle répertorie les marchés en ligne et les marchés physiques situés en dehors de l’UE dont il a été signalé qu’ils commettent ou facilitent d’importantes atteintes aux droits de propriété intellectuelle, aux dépens des consommateurs de l’UE.

L’objectif poursuivi par l’exécutif européen est double :

  • encourager les opérateurs des marchés, les autorités locales de contrôle et les gouvernements à prendre des mesures pour lutter contre les atteintes à la propriété intellectuelle ;
  • sensibiliser les citoyens de l’UE aux risques liés à l’environnement, à la sécurité des produits et à d’autres risques liés aux achats sur des marchés problématiques.

Les marchés sous surveillance sont répartis en quatre catégories :

  • les sites internet proposant des contenus protégés par le droit d’auteur ;
  • les plateformes de commerce électronique ;
  • les pharmacies en ligne ;
  • les marchés physiques.

La liste doit être actualisée tous les deux ans.

Vous pouvez en prendre connaissance en cliquant ici.

Brevets : la France sur le podium européen de la nouvelle révolution industrielle

Selon l’étude de l’Office européen des brevets sur les évolutions technologiques mondiales, la France se place en Europe derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, en se distinguant notamment ans la sécurité, la protection des données et les systèmes 3D.

Les petits Français sont peut-être nuls en maths, si l’on en croit la dernière étude internationale TIMMS , mais nos chercheurs et nos ingénieurs demeurent parmi les plus performants au monde. Selon la nouvelle étude publiée jeudi par l’Office européen des brevets, l’OEB, la France se place en effet sur la troisième marche du podium des pays les plus innovants en Europe dans ce qu’il est convenu d’appeler la quatrième révolution industrielle, la 4RI. En clair, celle qui englobe les technologies liées aux objets connectés intelligents, les big data, l’intelligence artificielle et la 5G.

Forte hausse des demandes de brevets

Dans cette étude, intitulée « Brevets et quatrième révolution industrielle : les évolutions technologiques mondiales à l’origine de l’économie des données », l’OEB a examiné toutes les familles de brevets internationales (FBI) relatives aux technologies de la 4RI entre 2000 et 2018. Nul ne s’étonnera d’y découvrir que l’innovation dans ces technologies s’est considérablement accélérée dans le monde entier au cours de la dernière décennie. Entre 2010 et 2018, les demandes de brevet ont ainsi augmenté, en moyenne, « de près de 20 % par an, soit près de cinq fois plus vite que la moyenne de tous les autres domaines technologiques », révèle l’étude.

En revanche, la place de la France, à l’origine de 12,5 % de toutes les FBI européennes en la matière sur la période 2000-2018, sur le podium des pays européens les plus innovants dans la 4RI, juste derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, pourra en étonner plus d’un. Une performance que tempère l’Office européen des brevets en relevant que si, sur cette période, les FBI françaises ont augmenté de 11,9 % par an en moyenne, cette croissance est « cependant moins dynamique que celle de l’Europe dans son ensemble (15,5 %), ou que la croissance observée au niveau mondial (19,7 %). »

La France se distingue

L’OEB note toutefois que « l’Hexagone se distingue dans les technologies habilitantes (sécurité, protection des données et systèmes 3D) ainsi que dans le domaine des applications (infrastructures intelligentes, véhicules intelligents et maisons intelligentes) ». Le pays place ainsi plusieurs entreprises dans le top 100 mondial : Technicolor (48e), Orange (60e), Thales (89e) et Valeo (96e), précise l’étude. Ce dynamisme français est porté, souligne l’Office, « par une place forte de l’innovation, Paris, qui se hisse à la 5e place des pôles d’innovation 4RI en Europe, et se distingue dans les domaines de la sécurité des données, de la sûreté, des véhicules et des infrastructures. »

Sur le plan mondial, les États-Unis arrivent en tête de l’innovation liée à la 4RI, concentrant environ un tiers de toutes les FBI, avec une croissance moyenne annuelle de 18,5 % depuis 2010. L’Europe et le Japon rassemblent environ un cinquième de toutes les FBI (15,5 % et 15,8 % de croissance). La Corée du Sud et la Chine ont gagné du terrain, avec une croissance annuelle très rapide depuis 2010, de 25,2 % et 39,3 % respectivement en moyenne.

Antoine Boudet
Les Échos (10/12/20)

Usurpation de la dénomination « cuir » : réponse du Gouvernement à ma question écrite

Le 29 octobre dernier, j’ai attiré l’attention du Gouvernement sur l’usurpation de la dénomination « cuir »

Vous trouverez, ci-dessous, le texte de ma question écrite ainsi que la réponse du ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Question n° 18466 adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance (publiée au JORF le 29/10/20)

M. Richard Yung attire l’attention de M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur l’usurpation de la dénomination « cuir ». Il lui rappelle que le décret n° 2010-29 du 8 janvier 2010 interdit l’utilisation du mot « cuir » pour désigner « toute autre matière que celle obtenue de la peau animale au moyen d’un tannage ou d’une imprégnation conservant la forme naturelle des fibres de la peau ». Il note que, faute d’harmonisation européenne, cette interdiction ne s’applique pas aux produits fabriqués à partir de matières autres que le cuir (fibres de fruits ou de légumes, matières synthétiques) qui ont été préalablement mis à disposition sur le marché dans les États membres dépourvus de règles encadrant la dénomination « cuir », et cela en raison du principe de libre circulation des marchandises au sein du marché de l’Union. Il note également que des dénominations susceptibles d’induire en erreur les consommateurs sont régulièrement utilisées pour désigner des produits ressemblant à des produits en cuir (« cuir d’ananas », « cuir de champignon », « cuir végan », etc.). Au regard de ce constat, qui souligne la nécessité d’assurer une concurrence loyale entre opérateurs économiques et de permettre aux consommateurs d’effectuer un choix éclairé, il lui demande si la France continue de plaider auprès de la Commission européenne pour l’adoption d’un règlement européen s’inspirant de celui relatif aux dénominations des fibres textiles.

Réponse de M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance (publiée au JORF le 10/12/20)

Les autorités françaises sont pleinement conscientes des difficultés rencontrées par la filière du cuir résultant de l’absence d’une définition harmonisée de la dénomination « cuir » au sein de l’Union européenne. Cette situation ne permet ni de garantir des conditions de concurrence loyale pour l’industrie européenne du cuir, ni de protéger de manière totalement satisfaisante les intérêts des consommateurs européens en leur assurant une information homogène et appropriée. Les autorités françaises plaident en conséquence, chaque fois qu’elles en ont l’occasion, pour une telle harmonisation européenne en la matière. Au plan national, le décret n° 2010-29 du 8 janvier 2010 interdit de fait l’utilisation du mot « cuir » pour désigner toute autre matière que celle obtenue de la peau animale au moyen d’un tannage ou d’une imprégnation conservant la forme naturelle des fibres de la peau. Ce texte a toutefois uniquement une portée nationale ; il ne s’applique ainsi pas aux produits légalement fabriqués dans un autre État de l’Union européenne ou importés via un de ces États, conformément aux principes de libre circulation des marchandises et de reconnaissance mutuelle. Pour ce qui concerne les dénominations susceptibles d’induire en erreur les consommateurs pour désigner des produits ressemblant à des produits en cuir, une nuance doit cependant être apportée entre, d’une part, le respect formel du décret national précité et, d’autre part, le respect de l’exigence de portée plus générale de ne pas induire le consommateur en erreur sur la nature ou les qualités substantielles de toute marchandise. Ces dernières pratiques, relevant de la pratique commerciale trompeuse (définie par l’article L. 121-2 du code de la consommation), constituent un délit pouvant être recherché et constaté par les agents de la DGCCRF quel que soit le lieu de fabrication ou d’importation des articles en cause. Dans les enquêtes, régulièrement conduites par la DGCCRF dans le domaine du cuir et des produits en cuir, l’absence même d’une réglementation européenne harmonisée ne prive donc pas les enquêteurs de toute possibilité d’action s’ils constatent l’usage de présentations commerciales manifestement trompeuses.

Évaluation de la lutte contre la contrefaçon : les députés Blanchet et Bournazel ont présenté leur rapport d’information

Le 9 décembre, les députés Christophe Blanchet (Calvados) et Pierre-Yves Bournazel (Paris) ont présenté leur rapport d’information sur l’évaluation de la lutte contre la contrefaçon.

Ce document est le fruit des travaux qu’ils ont conduits dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).

Pour mener ces travaux d’évaluation, les rapporteurs ont sollicité l’assistance de la Cour des comptes, qui leur a remis un rapport s’inscrivant dans le prolongement de celui que les magistrats de la rue Cambon avaient publié en 2014.

Le rapport du CEC comprend dix-huit propositions. Nombre d’entre elles rejoignent celles formulées par le CNAC, ce dont je me réjouis. Je forme le vœu qu’elles puissent rapidement trouver une traduction législative et/ou réglementaire. Il y va de la protection des consommateurs et de la défense de l’innovation.

Proposition n°1 : Autoriser les Douanes à pratiquer des coups d’achat pour les médicaments et les matières premières à usage pharmaceutique.

Proposition n°2 : Inciter les maires à se saisir de l’expérimentation relative à la verbalisation de la vente à la sauvette par la police municipale et construire une collaboration plus étroite avec les services de la police nationale.

Proposition n°3 : Informer les consommateurs sur l’impact négatif des contrefaçons à différents moments clés de l’éducation ou de la vie économique : école, collège, lycée, service national universel, achats sur des sites internet ou des réseaux sociaux.

Proposition n°4 : Adopter une stratégie nationale et un plan d’action de lutte contre la contrefaçon, et charger un délégué interministériel d’assurer sa mise en œuvre.

Proposition n°5 : Charger l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) de collecter l’ensemble des données utiles à la quantification de la contrefaçon et au recensement de l’action des administrations.

Proposition n°6 : Instituer une procédure administrative d’avertissement ou de blocage des sites internet proposant à la vente des produits contrefaisants.

Proposition n°7 : Instituer des agents assermentés pour le droit des marques autorisés à constater une infraction commise sur internet et à exiger, pour le compte du titulaire de droits, qu’il soit mis fin à l’exposition et à la vente de contrefaçon sur des plateformes commerciales ou des réseaux sociaux.

Proposition n°8 : Renforcer l’efficience du blocage des sites commercialisant des contrefaçons :

  • introduire dans le code de la propriété intellectuelle une disposition permettant à l’autorité judiciaire de prononcer la suspension groupée de nombreux noms de domaine et de comptes de réseaux sociaux, et le regroupement des plaintes contre les sites les plus actifs ;
  • prévoir un texte d’application a) précisant que le plaignant n’aura pas besoin de démontrer un lien ou une connexité entre les différents sites dont le blocage est demandé, considérant qu’ils sont liés de fait par l’atteinte commune qu’ils portent à la marque ; b) réduisant le formalisme de la preuve pour admettre les copies d’écran et attestations d’un agent assermenté en droit des marques ; c) autorisant l’injonction par le juge de retrait de contenus identiques ou équivalents à un contenu qui a déjà fait l’objet d’un constat d’illicéité ;
  • prévoir une disposition précisant expressément qu’en cas d’impossibilité de connaître le responsable du site, l’injonction s’adresse au prestataire de service intermédiaire ;
  • prévoir les modalités d’un transfert de la propriété du nom de domaine suspendu au titulaire de droits afin d’en empêcher la reconstitution ;
  • instituer une obligation d’avertissement du consommateur sur la page du site suspendu pour contrefaçon ou vente illégale mentionnant la condamnation intervenue.

Proposition n°9 : Évaluer les décisions rendues par les tribunaux en matière de contrefaçon en s’intéressant particulièrement à l’analyse des dommages-intérêts et aux condamnations aux dépens.

Proposition n°10 : Instituer dans le code de la propriété intellectuelle une amende civile à l’encontre du vendeur de contrefaçon, proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur du délit et aux profits qu’il en aura retirés.

Proposition n°11 : Faciliter la défense des droits de propriété intellectuelle des entreprises :

  • créer un organisme sous la forme juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP) ou d’une association pour conseiller et apporter une aide aux titulaires de droits, en particulier les PME ;
  • autoriser à se pourvoir en justice une association existante ou à créer spécifiquement à cet effet, sur le modèle de l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) ;
  • étudier l’extension de l’action de groupe au domaine de la contrefaçon.

Proposition n°12 : Mieux lutter contre les ventes illicites de tabac :

  • appliquer l’article 29 de la loi n°2018-898 relative à la lutte contre la fraude qui oblige les réseaux sociaux à énoncer que la vente de tabac est illégale ;
  • dresser le bilan de l’amende forfaitaire sanctionnant l’achat à la sauvette de tabac et étudier la possibilité de sanctionner la détention de tabac illicite comme celle de stupéfiants ;
  • sensibiliser les réseaux sociaux à leur obligation de retirer les annonces illégales sans intervention du titulaire de droits, de la même manière qu’ils coopèrent pour supprimer les contenus haineux.

Proposition n°13 : Adapter l’organisation judiciaire aux mutations du commerce international en ligne :

  • dédier une chambre juridictionnelle dans certains gros tribunaux judiciaires aux litiges relatifs au commerce en ligne ;
  • permettre aux détenteurs de droits de déposer leurs requêtes en ligne ;
  • limiter la rotation des magistrats dans les postes spécialisés dans la propriété intellectuelle et les litiges relatifs au commerce en ligne.

Proposition n°14 : Intégrer la contrefaçon dans la feuille de route politique de l’Union européenne, prioriser la lutte contre la contrefaçon au sein des missions de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) et d’Europol.

Proposition n°15 : Reconnaître la responsabilité des plateformes de commerce électronique et des réseaux sociaux en cas de mise en vente de produits contrefaisants et leur imposer un devoir de vigilance, reposant notamment sur :

  • une obligation de retirer dans un délai maximal la marchandise du site après réception d’une notification motivée de la part d’un titulaire de droits ;
  • une obligation de transparence sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre la vente de contrefaçon ;
  • une obligation de coopérer avec leurs autorités administratives pour les demandes d’information ;
  • une obligation d’exiger l’identité des vendeurs professionnels ;
  • une obligation de remboursement du client trompé sur la qualité de la marchandise ;
  • une obligation d’information des consommateurs lorsqu’ils ont été exposés à des produits de contrefaçon.

Proposition n°16 : Faire figurer la protection des droits de la propriété intellectuelle dans tous les accords commerciaux bilatéraux signés par l’Union européenne.

Proposition n°17 : Réglementer plus efficacement la vente en ligne de médicaments :

  • renforcer les obligations des registraires de noms de domaine en ce qui concerne les sites de vente de médicaments ;
  • imposer aux plateformes de commerce électronique des mesures proactives pour retirer les médicaments falsifiés en vente ;
  • prévoir pour les réseaux sociaux une obligation de mettre en place des filtres dès lors qu’il s’agit d’offres ou incitations à vendre des médicaments.

Proposition n°18 : Prévoir des publications périodiques sur les falsifications de médicaments au sein de l’Union européenne.

Vous pouvez lire le rapport d’information en cliquant ici.

Ici, c’est le temple de la contrefaçon

Insécurité, occupation de l’espace public, nuisances… les trafics gangrènent les quartiers de Barbès et Château-Rouge. Le député Pierre-Yves Bournazel remet aujourd’hui un rapport à l’Assemblée.

Le Parisien, par Cécile Beaulieu, 9 décembre 2020

AUX CONFINS de la Goutte d’Or et du boulevard de la Chapelle, les quartiers de Château- Rouge et de Barbès, à Paris (XVIIIe), constituent un marché de la contrefaçon à ciel ouvert que jamais personne, au fil des dernières décennies, n’a mis à mal. Le député de la circonscription, Pierre- Yves Bournazel (Agir), travaille depuis deux ans sur cette problématique avec un élu normand.

Il remet aujourd’hui un rapport accablant à l’Assemblée nationale (lire ci-dessous).

L’intégration du quartier, dès 2012, à la première zone de sécurité prioritaire (ZSP) parisienne, avec les effectifs et dispositifs qui y sont liés, n’a pas bouleversé la donne. La police — les brigades « antisauvettes » — arpente pourtant quotidiennement le secteur, où l’on dresse entre 90 et 120 procès-verbaux chaque jour… même si le problème est essentiellement traité sous l’angle de l’occupation illégale de l’espace public. C’est également là que les riverains, exaspérés, ont obtenu la condamnation de la Ville et de l’État pour défaut de moyens dans le maintien de l’ordre public. En vain.

Les clients viennent de toute l’Ile-de-France et même de l’étranger
À Château-Rouge, dans le triangle délimité par les rues Dejean, Poulet et des Poissonniers, on trouve presque tous les produits en version contrefaite : maroquinerie, lunettes, produits de beauté, médicaments… La clientèle, dense, vient de toute l’Ile-de-France, et même de bien au-delà.

« Les policiers ont rencontré des clients venus des Pays- Bas pour trouver LE produit qu’ils voulaient », soulignent les députés dans leur rapport d’information.

Ces sacs à main estampillés de grandes marques, sous blister, ceintures, parfums, produits de beauté installés sur de petits stands de fortune sont retirés en quelques minutes dès que la police est signalée.

« Et maintenant, les chaussures contrefaites ont fait leur apparition. C’est la nouveauté ! », ironise une habitante du quartier.

Les lots contrefaits sont entreposés à Aubervilliers (Seine- Saint-Denis) puis répartis dans des caves et des box du quartier avant d’être proposés à la vente dans la rue par petites quantités. « Les vendeurs, eux, derniers maillons de la chaîne, viennent chaque jour de proche banlieue, ajoute cette habitante. J’ai moi-même pris le bus 31 en provenance de la gare du Nord avec une vendeuse de contrefaçons, que j’ai vue s’installer à Château- Rouge. C’est sans fin ! Il faudrait frapper les réseaux, saisir les stocks. D’ailleurs, l’été dernier, la police a découvert une cache où étaient entreposés des sacs à main… Et nous n’en avons plus vu à la vente dans la rue pendant des mois. Cela n’arrive pas assez souvent. »

Des montagnes de déchets
Le trafic crée des nuisances devenues insupportables pour les riverains. Chaque jour, vendeurs à la sauvette et commerçants peu scrupuleux génèrent des montagnes de déchets.

Quelques centaines de mètres plus loin, aux abords de la station de métro Barbès, des dizaines d’hommes battent le pavé, haranguant le client.

Leur business ? Les cigarettes de contrebande, mais aussi de contrefaçon, de plus en plus nombreuses (lire ci-dessous).

« Non contents de nous faire vivre au milieu du trafic, ils sont agressifs, dangereux, s’agace un riverain. Les gens baissent le regard de peur de prendre un mauvais coup. »  

De plus en plus de cigarettes

APRÈS LA CONTREBANDE, voici les cigarettes de contrefaçon.

Le commissariat du XVIIIe arrondissement, qui compte les « spots » de Barbès et de la place de la Chapelle, a observé depuis quelque temps l’apparition de paquets de contrefaçon.

A l’origine du phénomène, l’installation d’usines clandestines équipées à partir du matériel d’entreprises en faillite, qui se procurent du tabac dans des pays comme la Pologne ou la Bulgarie, où sa culture est peu réglementée et abondante. Le trafic est essentiellement aux mains de groupes criminels originaires d’Europe de l’Est, notamment d’Ukraine. La décision de porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 € a créé un appel d’air pour les trafiquants, qui les revendent à moitié prix sur les trottoirs ou la Toile.

La préfecture de police, citée dans le rapport de Pierre- Yves Bournazel et Christophe Blanchet, souligne que « les juges peinent à comprendre la nuisance que représente la vente illégale de cinq à dix paquets de cigarettes sur la voie publique ». Seul un PV est dressé, la marchandise saisie.

Les vendeurs, eux, s’en tirent avec un rappel à la loi. C.B.

Dix-huit propositions pour combattre ce fléau

C’est le quartier Château- Rouge (Paris XVIIIe), haut lieu de la vente de produits contrefaits, qui a posé les premières pierres de l’épais rapport d’information présenté cet après-midi à l’Assemblée nationale. Ses auteurs, Pierre-Yves Bournazel, député (Agir) de la circonscription et élu dans le XVIIIe arrondissement, et Christophe Blanchet, député (MoDem) de la 4e circonscription du Calvados, y dressent un état des lieux de la contrefaçon à l’issue d’un travail de deux ans, au cours desquels des dizaines d’auditions ont été menées auprès d’acteurs du luxe, des policiers, services de douanes, magistrats, associations, assorties de tables rondes et de visites sur le terrain, à Château-Rouge, au Havre et à Roissy.

Cibler les sites touristiques
Les rapporteurs déclinent 18 propositions visant à mieux coordonner acteurs publics et privés, réviser le cadre législatif et renforcer la réponse judiciaire. Mais aussi protéger les créateurs, fabricants et consommateurs. L’affaire est d’autant plus importante que la contrefaçon est la deuxième économie criminelle après le trafic de stupéfiants ! « La contrefaçon est un fléau qui concerne tous les produits, des jouets non homologués aux parfums, vêtements, maroquinerie, produits de beauté, médicaments, alimentation, cigarettes, détaille Pierre-Yves Bournazel. Ces trafics dans lesquels sont impliqués des ressortissants des pays du Maghreb, d’Europe de l’Est et de Chine, avec des ramifications européennes, nourrissent l’économie criminelle tout en s’attaquant à nos savoir-faire, à l’emploi et à la propriété intellectuelle. Ils représentent également un danger pour la santé publique, dans certains cas, et lorsqu’ils sont vendus sur les trottoirs, troublent l’ordre public et nuisent à la sécurité des habitants. » Sont concernés les quartiers de Barbès, La Chapelle, les portes Montmartre et de Clignancourt (XVIIIe), Belleville (XXe), et les sites touristiques, comme les abords de la tour Eiffel (VIIe) « J’ai constaté, en tant qu’élu et habitant du XVIIIe, la complexité de la situation à Château- Rouge, la saturation de l’espace public et l’impuissance des pouvoirs publics à endiguer un problème devenu endémique », ajoute Pierre-Yves Bournazel.

Bloquer des sites Internet
Opérations des douanes, de la police, des brigades spécialisées : le travail de terrain est là, mais la coordination rarement au rendez-vous. Pour y remédier, les deux députés proposent d’inciter les maires à se saisir de l’expérimentation relative à la verbalisation des ventes à la sauvette par la police municipale, et de construire une collaboration plus étroite avec la police nationale.

Outre le renforcement de la coopération internationale et le renforcement de la politique de prévention auprès des acheteurs, les rapporteurs préconisent la création d’une procédure de blocage des sites Internet proposant des produits contrefaits dont ils pointent le développement exponentiel.

D’introduire, enfin, dans le code de la propriété intellectuelle, une disposition permettant de prononcer la suspension groupée de noms de domaine et de comptes de réseaux sociaux. Les plaintes contre les sites les plus actifs pourraient également être regroupées, comme c’est le cas aux États-Unis ou en Italie.

Après présentation aux députés, le rapport sera remis la semaine prochaine au Premier ministre Jean Castex. C.B.