Les Européens sont moins nombreux à acheter des contrefaçons

C’est une nouvelle encourageante : « les Européens sont moins nombreux à acheter des contrefaçons ou à accéder à du matériel piraté ».

Publiée le 24 novembre dernier par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), la troisième édition de l’étude sur la perception des droits de propriété intellectuelle par les citoyens de l’Union européenne fait apparaître une légère baisse de la proportion d’Européens admettant avoir intentionnellement acheté des produits de contrefaçon au cours des douze derniers mois. Entre 2017 et 2020, cette proportion est passée de 7% à 5%. Pour ce qui concerne la France, elle est passée de 6% à 3%.

Les contrefaçons sont désormais perçues de manière plus négative. Pas moins de 83% des Européens estiment que l’achat de contrefaçons « ruine les entreprises et défavorise l’emploi ». Ils sont en outre plus nombreux à percevoir l’achat de contrefaçons comme portant préjudice à leur image (17% en 2020 contre 12% en 2017). Seuls 15% d’entre eux sont tout à fait ou plutôt d’accord avec l’affirmation selon laquelle il est acceptable d’acheter des produits de luxe de contrefaçon.

Cette tendance résulte d’une « meilleure compréhension des droits de propriété intellectuelle » (80%). Elle a probablement été « renforcée par les réactions négatives du public observées pendant la crise de la COVID-19 à l’encontre des faux médicaments et des équipements de protection individuelle contrefaisants ». Les Européens sont presque unanimes (98%) à considérer « qu’il est important que les inventeurs, les créateurs et les artistes puissent protéger leurs droits et être rémunérés pour leur travail ». Ils sont cependant « encore très nombreux à penser que la propriété intellectuelle profite surtout aux élites, comme les artistes célèbres ou les grandes entreprises ».

Il est par ailleurs à noter que la disponibilité de produits authentiques abordables « demeure le principal motif pour cesser d’acheter des contrefaçons ». Ce motif a cependant « perdu de son importance en termes absolus par rapport à 2017 ».

Pour ce qui concerne le piratage, seuls 8% des Européens admettent avoir eu accès intentionnellement à des contenus en ligne au moyen de sources illégales au cours des douze derniers mois, contre 10% en 2017. En France, cette proportion est passée de 15% en 2017 à 9% en 2020.

Les Européens ont désormais « une nette préférence pour le contenu en ligne légal, à condition que le prix soit raisonnable » (89%). Ils sont en outre plus nombreux à considérer que la qualité et la diversité du contenu offert par les services légaux sont meilleures que ce que l’on peut trouver par le biais de sources illégales. Au cours des douze derniers mois, 42% d’entre eux ont payé pour accéder à, télécharger ou diffuser en continu du contenu protégé par le droit d’auteur à partir d’un service légal (+17% par rapport à 2017). Pour ce qui concerne la France, 41% des personnes interrogées ont déclaré avoir payé du contenu en ligne provenant d’un service légal au cours de l’année écoulée (+15% par rapport à 2017).

Sans surprise, les jeunes âgés de 15 à 24 ans constituent toujours le premier groupe à acheter des contrefaçons et à télécharger des contenus illégaux. 10% d’entre eux ont admis avoir acheté sciemment des produits de contrefaçon au cours des douze derniers mois, tandis que 23% ont déclaré avoir volontairement consulté, téléchargé ou diffusé des contenus provenant de sources illégales. Le risque de sanction est un facteur important dans la décision des jeunes de cesser d’acheter des contrefaçons (46%).

Enfin, l’étude révèle « une certaine porosité entre le groupe de consommateurs qui accèdent à des sources illégales de contenu numérique et le groupe de consommateurs qui achètent des produits de contrefaçon ». Près d’un tiers des Européens ayant volontairement accédé à des contenus piratés en ligne ont également acheté des produits de contrefaçon.

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Lutte contre la contrefaçon : les initiatives de la France

En novembre 2020, les Annales des mines ont consacré l’une de leurs séries trimestrielles – Réalités industrielles – à la propriété industrielle.

Ce numéro a été coordonné par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, Pascal FAURE. Vous pouvez le lire en cliquant ici [http://www.annales.org/].

Vous trouverez, ci-dessous, l’article que j’ai commis avec le président de l’Union des fabricants, Christian PEUGEOT.

L’article dresse un constat alarmant de la situation chiffrée de la contrefaçon dans le monde, plus particulièrement en Europe et en France. Face à ce fléau aux tendances tentaculaires, quels sont les dispositifs mis en place tant par les pouvoirs publics que par les entreprises ? L’article montre combien la qualité de la coopération entre les principaux acteurs publics et privés de la scène internationale constitue un atout décisif dans la lutte anti-contrefaçon. En France, le Comité national anti-contrefaçon (CNAC) et l’Union des fabricants (UNIFAB) s’épaulent mutuellement tant au travers de leurs actions concrètes de sensibilisation que de leur action pour faire évoluer les législations et agir à l’international.

État des lieux : la contrefaçon est un fléau pour l’Europe, particulièrement pour la France

Aucun secteur de l’industrie n’est épargné par les atteintes aux droits de propriété intellectuelle (1). En effet, la contrefaçon touche tous les types de produits, et particulièrement les cosmétiques, les vêtements, les jouets, le vin, mais aussi les pesticides ou les produits pharmaceutiques. La pandémie de COVID-19 illustre les risques auxquels le consommateur de produits contrefaisants expose sa santé et sa sécurité, derrière l’apparence de la « bonne affaire ». Lors de l’opération Pangea (2) XIII, coordonnée par INTERPOL et menée début 2020 dans quatre-vingt-dix pays, pas moins de deux mille bannières publicitaires en lien avec la pandémie ont été recensées sur Internet, proposant des masques contrefaisants, de faux sprays, des « packs anti-coronavirus » ainsi que des médicaments censés soigner les personnes atteintes du COVID-19. Par rapport à la précédente édition de l’opération Pangea, menée en 2018, les saisies d’antiviraux non autorisés ont augmenté de 18%. Les saisies de chloroquine non autorisée ont, quant à elles, augmenté de 100%.

Au-delà des risques pour le consommateur, les produits contrefaisants ont un impact non négligeable sur l’économie en termes d’emplois et de recettes publiques. La production de l’ensemble des produits contrefaisants importés dans l’Union européenne (UE) représentait l’équivalent de quatre cent mille postes sur l’année 2019. Les pays de l’Union européenne perdent chaque année 15 milliards d’euros de recettes fiscales du fait de l’importation de produits contrefaisants. Rien n’est respecté dans une contrefaçon : ni les normes obligatoires du produit, ni le reversement de la TVA, ni le paiement des droits de douane, du fait que les contrefacteurs déclarent rarement leurs activités et sont difficilement identifiables.

Le commerce de produits de contrefaçon, souvent aux mains de grands réseaux criminels, peut alimenter des groupes terroristes. Le rapport édité et publié par l’UNIFAB (3), qui a été remis au gouvernement sous l’intitulé « Contrefaçon et terrorisme (4) », a mis en lumière le fait que cette activité illicite est la deuxième source mondiale de revenus criminels.

Ce fléau est en effet mondial : selon un rapport de l’OCDE/EUIPO de mars 2019 (5), les principales victimes en ont été les États-Unis, dont certaines marques ou brevets ont été utilisés pour 24% des produits de contrefaçon saisis, suivis de la France (17%), de l’Italie (15%), de la Suisse (11%) et de l’Allemagne (9%). La France, un des tout premiers acteurs dans le secteur du luxe, où abondent les copies, est le pays le plus concerné en Europe, et le plus touché au monde derrière les États-Unis.

Si la majorité des produits contrefaisants saisis lors de contrôles douaniers proviennent d’Asie, les entreprises de Singapour, Hong Kong, de Chine ou du Brésil deviennent elles-mêmes des cibles, et ce de manière croissante. Les Émirats Arabes Unis, la Turquie, Singapour, la Thaïlande et l’Inde constituent les autres principaux lieux de provenance.

Ces constats sont d’autant plus préoccupants qu’il y a eu une augmentation significative du volume des contrefaçons entre 2013 et 2016 (461 milliards de dollars, soit 2,5% du commerce mondial en 2013 – 509 milliards de dollars, soit 3,3% du commerce mondial en 2016). Dans l’Union européenne, le commerce de marchandises a frôlé, en 2016, 7% des importations en provenance de pays non membres de l’UE contre 5% en 2013. Fait révélateur, durant cette période, le commerce mondial a ralenti. Le marché de la contrefaçon devient tentaculaire.

Le Comité national anti-contrefaçon français et l’Union des fabricants

Ces chiffres, ainsi qu’un récent rapport de la Cour des comptes (6), montrent que le dispositif français de lutte contre les contrefaçons nécessite une stratégie globale et la mobilisation de l’ensemble des acteurs.

En France, la lutte anti-contrefaçon est organisée au niveau public par le Comité national anti-contrefaçon (CNAC). Créé en 1995, il réunit des fédérations industrielles, des associations professionnelles, des entreprises et les administrations concernées par la lutte anti-contrefaçon. Richard Yung, sénateur (LREM) des Français de l’étranger, en est le président. L’Institut national de la propriété industrielle (INPI) en assure le secrétariat général (7). Ce partenariat public-privé vise à renforcer l’échange d’informations et de bonnes pratiques, à coordonner des actions concrètes et à formuler de nouvelles propositions. Le CNAC coordonne des travaux qui se déclinent en quatre grands thèmes : la sensibilisation, la législation, la coopération internationale et la lutte contre la cyber-contrefaçon.

Étant donné que la France est l’un des pays où les atteintes aux droits de propriété intellectuelle sont les plus nombreuses, il serait sans doute opportun de mettre en place, auprès du Premier ministre, une structure légère qui rassemblerait les données sur la lutte anti-contrefaçon et établirait un plan d’action.

L’Union des fabricants (UNIFAB), association nationale de promotion et de défense du droit de la propriété intellectuelle, coordonne, quant à elle, l’aspect privé de cette lutte. Créée en 1872 et placée sous la tutelle des ministères chargés de l’Intérieur et de l’Industrie, elle est la doyenne des associations à travers le monde. Elle compte plus de deux cents entreprises et fédérations professionnelles issues de tous les secteurs d’activité, de toutes les tailles et de toutes les nationalités. Elle s’organise autour de quatre grandes missions : l’accompagnement juridique de ses membres ; les échanges avec les plus grandes instances nationales, européennes et internationales ; la formation à la reconnaissance des vrais et faux produits des agents opérationnels de la Douane, de la Gendarmerie, de la Police, ainsi que des magistrats ; et, enfin, la sensibilisation du grand public au travers du musée de la contrefaçon qu’elle anime depuis plus de soixante-dix ans et par la création et la mise en place de campagnes de communication destinées à informer la population des effets et conséquences de la contrefaçon sur la santé, la sécurité, l’économie et l’environnement. Elle est également à l’origine de nombreux événements en France qui associent l’INPI et le CNAC : il s’agit notamment du Forum européen de la propriété intellectuelle et de l’édition française de la Journée mondiale anti-contrefaçon.

Sensibiliser

Une étude menée par l’IFOP pour l’UNIFAB (8) a révélé que 37% des consommateurs ont acheté sur Internet un produit contrefaisant, alors qu’ils pensaient acheter un produit authentique. Le CNAC et l’UNIFAB s’assurent en permanence que des messages de sensibilisation soient envoyés régulièrement aux consommateurs et aux décideurs politiques, et que les entreprises soient sensibilisées aux enjeux de la propriété intellectuelle.

Les consommateurs ne doivent pas être pénalisés, mais au contraire éduqués, informés, protégés et il faut leur donner toutes les informations pour leur permettre de faire le bon choix. À cet égard, ces campagnes de sensibilisation menées chaque année par l’UNIFAB, en partenariat avec l’INPI, le CNAC, la Douane et la Gendarmerie, sont de bons exemples. Chaque été, une vaste campagne de sensibilisation des estivants aux conséquences de l’achat de contrefaçons est organisée. Les équipes de l’UNIFAB parcourent les plages et les marchés du Sud de la France afin de prévenir et conseiller les consommateurs pour qu’ils évitent les pièges des contrefacteurs. Cette opération de sensibilisation permet de donner au grand public les outils pour mieux consommer.

Pour l’appropriation de la culture « propriété industrielle » par les entreprises, on peut évoquer les actions de l’INPI. L’INPI sensibilise les entreprises à l’importance pour elles d’une stratégie propriété intellectuelle qui s’intègre dans leur stratégie globale, en les informant sur les démarches à réaliser en matière de propriété intellectuelle, en identifiant, en fonction de leurs projets d’innovations, les solutions de protection les plus adaptées, et en dressant une revue de leurs pratiques ayant un impact sur leur propriété intellectuelle.

Enfin, les membres du CNAC et de l’UNIFAB (collectivement ou individuellement) utilisent toutes les occasions – ou les provoquent – pour cosigner des « position papers », échanger avec les parlementaires et les responsables politiques pour leur rappeler l’importance de cette problématique.

Se doter de l’arsenal législatif le plus complet possible

En 2014, la loi dite « loi Yung (9) » est venue renforcer l’arsenal juridique existant en matière de lutte anti-contrefaçon. Les principales dispositions de celle-ci sont le renforcement des dédommagements civils accordés aux victimes de contrefaçons, l’amélioration des conditions de démantèlement des réseaux de contrefaçon, la facilitation de l’établissement de la preuve de la contrefaçon et, enfin, le renforcement de la capacité d’intervention des douanes.

Les attentats de 2015, l’état d’urgence décrété et les liens avérés entre la contrefaçon et d’autres formes de criminalité organisée ont conduit à l’adoption en France, en juin 2016, d’une loi pour renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement (10), comme le démontre le rapport de l’UNIFAB évoqué plus tôt. Cette dernière a accru les sanctions pénales des délits aggravés de contrefaçon.

Plus récemment, certaines dispositions de la loi relative au Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE (11)) vont permettre aux titulaires de droits de mieux se défendre contre les contrefacteurs, notamment grâce à la modification du point de départ du délai de prescription des actions en contrefaçon de titres de propriété industrielle (12).

Coopérer au-delà de nos frontières

La guerre contre les contrefacteurs est une véritable course de vitesse. Son efficacité dépend pour beaucoup de la cohérence de la stratégie, de l’organisation et des moyens mobilisés. Les criminels recourent à des stratagèmes de contournement toujours plus évolués. Ils élaborent des montages complexes pour déguiser leurs activités : ils créent des entreprises fictives et des sociétés écrans, exploitent les faiblesses des contrôles aux frontières et des cadres réglementaires, et utilisent de faux documents. En un sens, ce sont aussi des innovateurs ! Si leur trafic ne connaît pas de frontières, la riposte doit en faire de même.

La qualité de la coopération entre les principaux acteurs publics et privés de la scène internationale constitue un atout décisif dans la lutte anti-contrefaçon. De tels partenariats peuvent et doivent prendre de multiples formes, notamment une réflexion commune sur certaines problématiques et la création d’un réseau des comités anti-contrefaçon. Pour ce faire, le CNAC peut compter sur la coopération du réseau des conseillers régionaux INPI répartis dans dix pays du monde, localisés au sein des services économiques régionaux des ambassades et au cœur de la Team France Export ; leur action couvre une centaine de pays (13). Le réseau des experts internationaux de l’UNIFAB, implanté dans près de trente pays, permet également un rayonnement et la dispense de conseils partout dans le monde.

En 2019, les membres du groupe de travail « Coopération internationale » du CNAC ont travaillé sur la mise en place d’une cartographie mondiale des problématiques que rencontrent les entreprises françaises en matière de contrefaçon.

Ce premier travail de définition des priorités va permettre de sélectionner chaque année des thèmes à traiter. Dans un premier temps, ses membres vont se concentrer sur quatre thématiques : l’Afrique, les look-alikes (reproduction ou imitation des aspects visuels du produit d’origine afin de communiquer une impression d’ensemble identique ou similaire), les questions de stockage/destruction/ recyclage et le problème des nouvelles routes de la soie.

La France a initié en 2018 la mise en place d’un réseau des comités anti-contrefaçon. Actuellement, ce réseau compte parmi ses membres : l’Italie, la Côte d’Ivoire, le Maroc et les Émirats Arabes Unis. En 2019, le Brand Protection Group libanais a entamé un travail visant à la création d’un comité anti-contrefaçon ou comité propriété intellectuelle au Liban, dans le cadre d’un dialogue avec le gouvernement. Les membres du CNAC soutiennent cette démarche en accompagnant son partenaire libanais dans sa structuration.

C’est dans cette droite ligne que s’inscrit également la création, initiée par l’UNIFAB et ses associations sœurs, d’un Groupement international anti-contrefaçon (Global Anti-Counterfeiting Group – GACG), qui recense toutes les associations nationales de lutte anti-contrefaçon qui coexistent dans tous les pays du monde. À cet effet, cette association d’associations permet d’entamer des discussions productives et positives afin de faire évoluer le droit de la propriété intellectuelle à l’international.

Trouver des solutions spécifiques au difficile problème de la cyber-contrefaçon

Internet est devenu le canal de distribution par excellence des marchandises de contrefaçon. Certains sites de ventes en ligne disparaissent aussi vite qu’ils apparaissent et sont donc très difficiles à localiser. Les produits contrefaisants sont de plus en plus souvent acheminés en petites quantités par voie postale ou fret express. 30 % des saisies de contrefaçon par les douanes françaises concernent des petits colis.

En 2000, nul ne pouvait soupçonner le rôle que seraient appelées à jouer notamment les plateformes et les positions dominantes qu’elles pourraient acquérir. De nombreux sites de e-commerce permettent à des entreprises tierces de vendre les produits proposés sur des plateformes dénommées marketplaces. Constituant un levier de développement important pour les petites et moyennes entreprises, ces marketplaces sont aujourd’hui considérées comme un outil essentiel dans la vie économique. Mais la législation actuelle est obsolète dès lors que la directive e-commerce (14) n’a pas été révisée depuis 2000 et qu’elle exempte les prestataires de services numériques de toute responsabilité quant aux contenus qu’ils diffusent. Ces faits conduisent l’UNIFAB à militer pour un réexamen de cette directive pour la mettre à jour et à entretenir, depuis plusieurs années, des liens étroits avec ces acteurs digitaux afin que le respect de l’authentique soit effectif sur ces espaces de vente comme il le serait dans un point de vente physique. Afin de travailler de concert avec les industriels, les pouvoirs publics et les décideurs politiques, un groupe de travail dédié à ce sujet a été créé au sein de l’UNIFAB.

Pour lutter contre la contrefaçon et assurer la protection des consommateurs, le gouvernement français a mis en place, entre 2009 et 2012, plusieurs accords volontaires de coopération, signés par différents acteurs économiques. Il a notamment créé la Charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet entre titulaires de droits de propriété industrielle et plateformes de commerce électronique. Au niveau européen, le premier protocole d’accord sur la vente de contrefaçons sur Internet a été conclu en mai 2011. Un ensemble d’indicateurs pour évaluer l’efficacité du protocole a ainsi été ajouté au texte, et une version révisée de ce protocole d’accord a été signée en juin 2016 (15). La Commission européenne publiera prochainement une évaluation.

Outre la création d’un cadre juridique dans lequel la responsabilité serait partagée par tous les acteurs, une autre bonne pratique dont les législateurs devraient s’assurer est la suspension des noms de domaine portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle. Ces noms de domaine constituent un énorme problème : en décembre 2019, Europol a annoncé avoir saisi plus de trente mille noms de domaine utilisés pour offrir des services et produits contrefaisants. L’opération s’est appuyée sur les efforts conjoints des services de police de plus de dix-huit pays, dont la France, et a permis l’arrestation de trois personnes suspectées d’avoir mis en œuvre ces différents sites (16). Une législation comme celle des États-Unis – qui permet d’obtenir, en une seule action, la saisie ou la suspension de plusieurs noms de domaine – changerait la donne pour les entreprises françaises et européennes. Une évolution législative, comme le prônent l’UNIFAB et le CNAC dans leur mission commune de discussion avec les instances gouvernementales, serait une réelle avancée.

Enfin, depuis quelques années, les nouvelles technologies apportent un soutien réel aux entreprises qui luttent contre la contrefaçon. Dans l’univers des vins et spiritueux, les produits sont de plus en plus souvent connectés par le biais de puces RFID, de QR code ou de la technologie NFC. Le principe est de marquer le produit, qui pourra ensuite être « lu » et révéler ainsi les informations qu’il renferme : ses caractéristiques, mais aussi son parcours ‒ de sa fabrication jusqu’à sa commercialisation ‒, garantissant ainsi son authenticité. Le code peut être scanné depuis un terminal spécifique (détenu par un expert, interne ou non à la marque) ou, plus simplement, depuis un smartphone par le consommateur. Autre exemple, celui des traceurs chimiques : cette technique consiste à intégrer, dès le processus de fabrication du produit ou de son emballage, un traceur chimique, directement mélangé à la matière du produit ou du packaging. Ceux-ci seront alors marqués et identifiables. Le traceur peut être, ou non, visible à l’œil nu et détectable au moyen d’un matériel spécifique (lampes, applis smartphone…). Ces traceurs peuvent être incorporés aux encres, vernis, cartons, plastiques… Ils apportent la preuve technique, mais aussi juridique qu’un produit est vrai, et qu’a contrario, un autre ne l’est pas. Ce système est très utilisé par l’industrie pharmaceutique, le secteur des vins et spiritueux, de l’alimentaire, des jouets ou encore des jetons de casino. Afin de proposer ce florilège de solutions existantes sur le marché, l’UNIFAB a créé récemment le LAB qui regroupe tous les acteurs technologiques qui viennent compléter le paysage de la lutte contre la prolifération des faux produits !

On l’aura compris, ce n’est qu’en agissant tous ensemble que nous pouvons aider à renforcer la confiance des consommateurs, à défendre les intérêts des entreprises légitimes et à stimuler la croissance dans le monde entier.

Richard YUNG, sénateur représentant les Français établis hors de France et président du CNAC, et Christian PEUGEOT, président de l’Unifab

(1) EUIPO (2020), “Status report on IP infrigment”, juin.
(2) L’opération Pangea, coordonnée par INTERPOL, est une initiative internationale qui vise à faire cesser la vente en ligne de produits de santé contrefaisants et illicites. Elle a également pour objectif tout aussi important de sensibiliser aux risques liés à l’achat de médicaments sur des sites Web non réglementés. Depuis son lancement, en 2008, l’opération a permis de retirer de la circulation plus de cent cinq millions d’unités (comprimés, ampoules, sachets, flacons, etc.) et de procéder à plus de trois mille arrestations.
(3) L’UNIFAB, pour Union des fabricants, est une association nationale de promotion et de défense du droit de la propriété intellectuelle : elle coordonne l’action des acteurs privés dans la lutte anti-contrefaçon.
(4) UNIFAB (2016), « Contrefaçon et terrorisme ».
(5) OCDE/EUIPO (2019), « Tendance du commerce des produits contrefaisants et piratés », mars.
(6) Cour des comptes (2019), « La lutte contre les contrefaçons », mars. Rapport pour lequel le CNAC et l’UNIFAB ont été auditionnés.
(7) Bilan 2018 des actions en matière de lutte anti-contrefaçon menées par les partenaires publics et privés du CNAC.
(8) IFOP (2018), « Les Français et les dangers de la contrefaçon », sondage réalisé pour l’Union des fabricants.
(9) Loi n°2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon.
(10) Loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
(11) Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
(12) Dans le cadre de la loi du 11 mars 2014, le délai commençait à courir « à compter des faits qui en sont la cause » en matière de dessins et modèles (ancien art. L. 521-3 du CPI) et en matière de brevets (ancien art. L. 615-8 du CPI). En matière de marque, à défaut de précision, le délai de prescription courait « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer », conformément aux dispositions de droit commun (art. 2224 du Code civil). Les nouvelles dispositions, introduites par la loi PACTE, prévoient désormais que les actions civiles en contrefaçon de brevet (art. L. 615-8 du CPI), de dessins et modèles (art. L. 521-3 du CPI) et de marques (art. L. 716-5 al. 3 du CPI) se prescrivent par cinq ans « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer ».
(13) https://www.inpi.fr/fr/nos-implantations
(14) Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).
(15) Memorandum of Understanding on the sale of counterfeit goods via the Internet, https://ec.europa.eu/growth/industry/policy/ intellectual-property/enforcement/memorandum-understandingsale-counterfeit-goods-internet_en
(16) Opération réalisée dans le cadre de la campagne ‟In Our Sites’’, lancée en 2014 par Europol et qui vise à lutter contre la contrefaçon au sens large et assainir la vente sur Internet.

Forum de Paris sur la Paix: le Conseil de l’Europe promeut la convention dite « Médicrime »

À l’occasion de la troisième édition du Forum de Paris sur la Paix (11-13 novembre), le Conseil de l’Europe a présenté la convention dite « Médicrime ».

Seul instrument juridique international criminalisant la fabrication et la distribution de produits médicaux falsifiés, cette convention a été ouverte à la signature en 2011 et est entrée en vigueur en 2016. Elle a déjà été ratifiée par 18 pays, dont 14 membres du Conseil de l’Europe, la Biélorussie, le Bénin, le Burkina Faso et la Guinée.

Ses enjeux sont essentiels dans un contexte où la distribution de masse de produits médicaux falsifiés est désormais une industrie lucrative et peu risquée, facilitée par Internet. Elle n’épargne aucun pays et la pandémie de COVID-19 lui a ouvert une voie royale, comme le soulignait la secrétaire générale du Conseil de l’Europe dans une tribune publiée début mai. Marija Pejčinović Burić y évoquait l’opération « Pangea » lancée par Interpol dès le début de la crise sanitaire, au mois de mars. 121 arrestations en ont résulté, assorties de la saisie de produits pharmaceutiques potentiellement dangereux d’une valeur de plus de 13 millions d’euros (masques inopérants, « trousses coronavirus » fantaisistes, faux kits de tests, etc.). Et ce n’est que la « partie émergée de l’iceberg », soulignait la secrétaire générale du Conseil de l’Europe.

Face à ce fléau, la convention dite « Médicrime » propose une riposte suivant trois axes :

  • plein usage de la justice pénale pour incriminer les auteurs de ces infractions crapuleuses ;
  • coopération nationale (douaniers, forces de l’ordre, agences, organes de régulation, hôpitaux, pharmacies, etc.) et internationale (partage des preuves et des informations) ;
  • protection des droits des victimes.

L’adhésion à la convention permet d’aider les gouvernements à se doter des bons outils pour lutter contre la contrefaçon et la distribution de produits médicaux, au mieux inopérants, au pire dangereux, voire fatals, estime le Conseil de l’Europe, déterminé à promouvoir ce texte qui représente à ses yeux « un moyen unique de parvenir à une véritable gouvernance mondiale de la santé publique ».

Le procès de la saga des vrais-faux sacs Hermès s’est ouvert

Vingt-six personnes sont jugées depuis ce lundi et jusqu’en décembre pour avoir écoulé des centaines de sacs Hermès, fabriqués avec un niveau de qualité identique aux originaux.

Le Parisien / Par Nicolas Jacquard / Le 9 novembre 2020 à 20h22

C’est un procès international. A plus d’un titre. D’abord parce que plusieurs de ses principaux protagonistes – Covid oblige – se sont fait porter pâles. Ils se trouvent en Chine ou en Australie, et pourraient être entendus en visioconférence. Surtout, cette petite trentaine de prévenus comparaissait, ce lundi et jusqu’au 10 décembre, pour avoir monté une filière de contrefaçon de sacs Hermès dont la mondialisation n’avait rien à envier à celle de la « maison mère. »

Ces sacs, essentiellement des Birkin, le modèle le plus luxueux du célèbre sellier français, avaient la particularité d’être au moins aussi vrais que les originaux. Et pour cause : de 2008 à 2012, selon la période retenue par la justice, ils ont été réalisés par des ouvriers ou ex-ouvriers d’Hermès, avec des peaux fournies en sous-main par l’une de ses filiales, et grâce à des sous-traitants d’Hermès qui arrondissaient leur fin de mois en travaillant avec ces vrais-faux artisans.

Dans la salle du tribunal de Paris, l’une des plus grandes et jusque-là dédiée au procès Charlie Hebdo, s’alignent ainsi des hommes et des femmes de tous âges. Parmi les plus impliqués, seul Daniel K., le financier à l’origine de la filière, est présent. Les autres sont des petites mains, chargées du découpage des peaux, poursuivies pour avoir sorti des ateliers d’Hermès des outils indispensables à la conception des sacs, ou avoir œuvré à la logistique de ce clone clandestin du fleuron de l’artisanat de luxe.

De l’abus de bien social à la contrefaçon en passant par l’association de malfaiteurs, il a bien fallu une demi-heure à la présidente pour égrener la liste des chefs de poursuite pour chacun des prévenus. Ceci étant posé, le tribunal s’est ensuite penché sur une batterie de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). La plus cruciale : y a-t-il contrefaçon au regard des difficultés à dessiner les contours de ce qu’est une œuvre originale, en l’occurrence le sac Birkin, crée en 1984 par Hermès.

18 millions de Birkin écoulés

A l’appui de sa démonstration, Me Alexandre Lazarègue, avocat de Romain C.R., qui a mis sur pied la filière pour sa partie opérationnelle, brandit les photos de deux modèles de sacs, en apparence identiques : un Birkin, et un modèle plus ancien d’Hermès, aujourd’hui libre de droits. Pour l’avocat, se revendiquer de la protection du droit d’auteur pour « une œuvre aussi floue » est en contradiction avec la libre concurrence. Des arguments balayés par les avocats d’Hermès, qui ne voient dans cette démarche qu’« un écran de fumée ».

Le tribunal tranchera la question ce mardi à la reprise de l’audience. En cas de réponse négative, les débats se poursuivront sur le fond. Et c’est donc Daniel K., le premier, qui sera interrogé. Spécialiste de l’import-export, ce chef d’entreprise d’Asnières (Hauts-de-Seine) fournissait les peaux de crocodiles qu’il allait chercher en Italie. A son domicile – une villa estimée à 1,3 million d’euros – avaient été retrouvés pour 350 000 euros d’objets de luxe, dont des montres de grande valeur.

Lui, assurait en garde à vue, qu’il n’avait fait que se greffer « sur un système existant. » Un système qui était parvenu, essentiellement en Chine et en Russie, à écouler au moins pour 18 millions de Birkin, vendus plusieurs dizaines de milliers d’euros pièce. Lorsqu’un acheteur méfiant en avait fait examiner un dans une boutique de la marque, les spécialistes d’Hermès n’y avaient vu que du feu, le rassurant sur le fait qu’il s’agissait d’un modèle original à la fabrication parfaite.