Contrefaçon : la guerre sans fin de l’industrie du luxe

M le magazine du Monde | 25.09.2015 à 17h55

Grandement favorisée par Internet, la contrefaçon se trouve plus que jamais dans le viseur des marques. Car au-delà de l’aspect financier, c’est surtout leur image et leur créativité qu’elles veulent à tout prix préserver.

Par Julie Pecheur

Deux voitures banalisées, Charlie Alpha et Charlie Bravo, sortent d’un garage anonyme du 11e arrondissement de Paris et filent dans le quartier du Marais. Ce lundi de septembre, cinq agents des douanes, deux femmes et trois hommes, pistolets sous les polaires, préparent une descente chez un grossiste chinois de la rue du Temple. Badge à la main, le chef demande poliment au gérant de fermer la boutique. L’opération commence : «Regarde le fermoir avec le tube: c’est Balenciaga, ça.»; «Là, les deux fermetures Eclair sur le dessus, c’est facile, c’est Prada.»

Aussi pointus que des rédactrices de mode, les agents passent au crible les colonnes de sacs suspendus aux murs du local. «J’ai oublié, c’est le Timeless ou le 2.55 qui a ce fermoir?», interroge un agent, en référence à deux modèles de Chanel. Sur le sol du magasin, un millier d’articles s’entassent dans de gros sacs poubelles noirs. Et ce n’est pas fini. L’équipe se rend ensuite dans un hangar de 400 mètres carrés à La Courneuve, en banlieue parisienne, pour saisir une centaine de cartons de marchandise encore sur palettes. Une belle prise, même si les agents ne se font guère d’illusions : «La contrefaçon de luxe rapporte tellement ­d’argent que les grossistes chinois provisionnent pour payer les amendes douanières…», soupire le chef du service adjoint de la brigade de surveillance intérieure de Paris-Sud.

“Plus un produit a du succès, plus il sera contrefait.” Bruno Pavlovsky, président des activités mode de Chanel

Lutter contre ce trafic, c’est un peu comme lutter contre la mer qui monte avec un seau et une pelle… «Plus un produit a du succès, plus il sera contrefait et plus cette contrefaçon apparaîtra rapidement», constate Bruno Pavlovsky, président des activités mode de Chanel. Il n’empêche : le secteur du luxe a décidé de sortir les grands moyens contre un phénomène que le développement du commerce en ligne n’a fait que renforcer et rendre plus visible encore.

En juin dernier, c’est une jeune femme de 24 ans qui s’est fait épingler. Sur le site chinois de commerce en ligne AliExpress, elle achetait des copies de sacs et de bijoux de marque qu’elle revendait dix fois plus cher sur LeBoncoin, le site français de petites annon­ces. Alerté par la recrudescence d’annonces émanant d’une même région, le service juridique du maroquinier Goyard procède alors à un « achat test » avant de porter plainte. «C’était un business à flux tendu: dès qu’elle avait un peu d’argent, elle commandait. En un an, elle a gagné autour de 13000euros», résume l’inspectrice des douanes qui a bouclé l’affaire.

Goyard réclame à la revendeuse 20 000 euros de dommages et intérêts, Hermès 30 000 euros et Cartier 42 000 euros. Elle écope finalement de 4 000 euros par marque pour le préjudice commercial, plus une amende de 6 000 euros, dont la moitié avec sursis. «Une peine pédagogique», approuve l’inspectrice. Un mois auparavant, Yves G., un Calaisien de 52 ans, était jugé par le tribunal de Boulogne-sur-Mer pour avoir revendu sur sa page Facebook « petitss pprixx » des contrefaçons achetées en Belgique. L’ayant repéré, LVMH, numéro un mondial du luxe avec plus de 60 marques, avait déposé plainte en 2013. En tout, seize maisons, parmi lesquelles Givenchy, Dior et Guerlain, lui réclamaient près de 150 000 euros de dommages et intérêts, une somme divisée par dix par le tribunal, qui en plus de l’amende, l’a également condamné à six mois de prison ferme.

Les sites d’e-commerce dans le collimateur

Des indemnisations financièrement négligea­bles pour des marques richissimes qui se passeraient bien de ce genre d’exposition médiatique. Car la contrefaçon a beau être aussi vieille que la mode, la plupart des maisons rechignent encore à l’évoquer. Certes, le trafic coûte cher. Les chiffres sont tous ­discutables (on ne peut évaluer ce qui échappe aux douanes et les calculs se basent souvent sur le prix des produits authentiques), mais la dernière étude de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), organisme européen spécialisé en matière de propriété intellectuelle, estime que la vente de vêtements, chaussures et accessoires contrefaits (hors sacs) coûterait 26 milliards d’euros par an à l’Europe, dont 3,5 milliards à la France, soit près de 10 % des ventes totales du secteur en Europe. Des chiffres qui se traduiraient par 363 000 emplois directs perdus (25 000 en France), et une perte de contributions sociales et de TVA de plus de 8,1 milliards d’euros.

Mais les préoccupations des maisons vont au-delà du nombre de zéros. Pour un secteur obsédé par le contrôle et l’image, où les chaînes de production et d’approvisionnement sont surveillées au microscope, la prolifération des faux est un caillou dans l’escarpin : ubiquité jure avec exclusivité, et ces pâles copies renvoient une image dégradée de la marque. Sans même parler des logos apposés sur des produits tels que rouleaux de papier-toilette, paquets de cigarettes ou sacs poubelles…

D’autant qu’Internet mélange allègrement le bon grain et l’ivraie. Des milliers de sites fleurissent sur la Toile, sim­ples copier-coller frauduleux des sites des marques, plateformes mélangeant contrefaçons et produits authentiques, portails proposant des «fakes» (faux) et se faisant héberger sur des sites ­officiels comme Amazon… «Depuis deux ans, le trafic a explosé sur les réseaux sociaux: Facebook, Instagram, Twitter…», note ainsi Luc Strohmann, responsable du service Cyberdouane, créé en 2009, qui compte une dizaine d’analystes spécialisés.

Résultat : sur les 8,8 millions d’articles contrefaits saisis en 2014 (des médicaments aux jouets, en passant par les vêtements, l’électronique ou les produits alimentaires), 17,5 % provenaient du fret express (colis rapides) contre moins de 1 % en 2005. Ce qui explique pourquoi les sites d’e-commerce sont dans le collimateur des groupes du luxe. En mai dernier, les principales marques du groupe Kering (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, Bottega Veneta…) ont porté plainte aux Etats-Unis contre Alibaba, le leader chinois du commerce en ligne, qu’elles accusent d’avoir favorisé et facilité la vente de contrefaçons. Les avocats de Kering ont notamment identifié plus de 2 000 boutiques commercialisant de faux produits Gucci sur Taobao, une plateforme associée à Alibaba. De son côté, Vuitton avait trouvé un accord anticontrefaçon avec Taobao en 2013. Le malletier avait aussi connu des années d’affrontement judiciaire avec e-Bay, le groupe américain de distribution en ligne. Il n’a enterré la hache de guerre qu’en 2014.

“Que l’on trouve un ou 20 000 portefeuilles, il faut saisir. Compliquer la tâche des contrefacteurs sans jamais relâcher la pression, ça, ça marche.” Valérie Sonnier, directrice propriété intellectuelle chez Louis Vuitton

«Le commerce de la contrefaçon n’a pas de frontières, et il se développe aussi bien dans le monde réel que numérique. Mais pour lutter contre lui, il faut remonter à la source, et la source, c’est le monde physique», explique Valérie Sonnier, directrice propriété intellectuelle chez Louis Vuitton. Son équipe se compose d’une cinquantaine de personnes à travers le monde (dont une trentaine en Asie) qui traquent le trafic et collaborent avec les autorités locales, une armée d’avocats, d’investigateurs privés et de spécialistes de la propriété intellec­tuelle. «Que l’on trouve 1 ou 20000 porte­feuilles, il faut saisir. On n’éradiquera peut-être jamais la contrefaçon, mais il faut compliquer la tâche des contrefacteurs et ne jamais relâcher la pression. Ça, ça marche», tonne ce petit bout de femme, habituée des raids musclés avec les douaniers.

Pour preuve : Hongkong. Adossée à la Chine continentale, qui produit toujours environ 80 % des contrefaçons circulant sur la planète, la petite région administrative spéciale se classe 9e exportateur et 7e importateur mondial selon l’Organisation mondiale du commerce. Sous le ciel cotonneux et humide du mois d’août, des milliers de containers multicolores stationnent alignés au cordeau le long des côtes et dans les zones de fret de l’aéroport. Dans ce hub stratégique, le travail de l’équipe de Valérie Sonnier semble avoir porté ses fruits. Sur le marché de Temple Street ou au Ladies Market, les faux sacs Michael Kors et Jimmy Choo ont remplacé les Vuitton. Il faut réclamer des marques françaises pour qu’un vendeur népalais vous mène à quelques mètres de là, dans une cantine sombre en tôle ondulée, et sorte d’un carton des imitations Chanel et Vuitton, dans leurs boîtes griffées (entre cinq et vingt fois moins chères que les originaux).

Un peu plus loin, dans le quartier de Tsim Sha Tsui, connu pour ses boutiques de luxe et ses centres commerciaux climatisés, les rabatteurs qui chassent les touristes ne font plus monter les Chinois dans les appartements transformés en magasins clandestins : «On a peur que ce soient des douaniers», explique un jeune Bangladais qui nous présente sur son iPhone un catalogue de montres et de sacs contrefaits, avec photos tirées de vraies publicités.

Des marges phénoménales pour des risques limités

Une fois le modèle choisi et le prix évoqué, il nous guide dans un appartement vide où trône un écran plat diffusant les images de vidéosurveillance du hall de l’immeuble, de l’intérieur de l’ascenseur et des sous-sols… Un acolyte va et vient avec les articles stockés ailleurs. L’ambiance n’est pas franchement décontractée… Il faut dire que les douaniers sont à l’affût. «Nous sommes très actifs, car Hongkong est le paradis du shopping dans la région. Nous nous développons pour devenir une économie fondée sur la connaissance et la propriété intellectuelle, explique Albert Ho, l’adjoint en chef des douanes. Mais nous avons absolument besoin de la coopération des marques.»

Ces dernières doivent identifier les produits saisis, attaquer sur le plan juridique mais, surtout, briefer toutes les douanes – catalogues, schémas et formations à l’appui – sur les nouvelles collections, les pays dans lesquels elles sont commercialisées, les modèles déposés : boucles, fermoirs, longueurs des coutures, courbe d’un rabat… Malgré cette coopération, les contrefacteurs gardent une longueur d’avance. Car ce trafic, contrairement aux autres, offre des marges phénoménales et des risques limités (peu ou pas de lourdes peines de prison).

Sur Internet, les douanes ne peuvent intervenir que sur les sites hébergés dans leur pays. Et la coopération judiciaire internationale, indispensable, requiert des processus complexes, longs, lourds, chers… Les droits de douanes ou de propriété intellectuelle étant différents d’un pays à l’autre, les douaniers se retrouvent parfois dans des situations ubuesques : des sacs qui transitent par la France, où ils sont considérés comme des contrefaçons, ne le sont pas forcément dans le pays de destination : un détail suffit parfois à qualifier un modèle de contrefaçon dans un pays et pas dans un autre.

« Les gens, ça ne les gêne pas de porter du faux du moment que la copie leur convient . » Véronique Cova, professeure de sociologie

Les marques tentent donc d’endiguer aussi le phénomène en amont. «Nous avons une stratégie d’harmonisation de nos prix pour réduire les écarts entre les pays, explique par exemple Bruno Pavlovsky, chez Chanel. Lorsqu’ils se creusent, des marchés de revente parallèle émergent, sur lesquels on retrouve de nombreux produits contrefaits.» «On évite de créer des produits simples. On en a eu dans le passé mais on a arrêté, admet Sidney Toledano, le PDG de Christian Dior Couture. Il m’est arrivé de dire non à un bon modèle parce que les contrefacteurs allaient se jeter dessus. Nous privilégions les produits complexes dans leur réalisation, ceux qui nécessitent un savoir-faire, des matières nouvelles.»

Et en aval ? Quid du consommateur ? Au bout de la chaîne, on trouve certes des acheteurs naïfs – qui croient sincèrement dégoter une vraie marque pour pas cher –, mais aussi tous ceux, sans doute la plupart, qui optent sciemment pour le faux. «En dehors des niches privilégiées, les gens portent de la contrefaçon parce que l’objet leur plaît. Ils s’intéressent plus à la couleur, à la forme, au design de l’objet qu’à la marque, donc ça ne les gêne pas de porter du faux du moment que la copie leur convient», observe Véronique Cova, professeure de sociologie et coauteure de l’étude Love for Luxury, Preference for Counterfeits. En Europe surtout, ce phénomène traduit aussi une forme de résistance antimarques : porter une contrefaçon est une manière de leur faire un pied de nez.»

«Il ne faut pas oublier que derrière la contrefaçon, il y a l’exploitation humaine, parfois le travail des enfants, insiste Elisabeth Ponsolle des Portes, la directrice générale du Comité Colbert, le regroupement des maisons de luxe qui défend leurs intérêts. Et les liens avec le crime organisé sont avérés : trafic de drogue, d’armes, cellules terroristes…» La contrefaçon va-t-elle jusque-là ? «On ne peut pas dire que le trafic de contrefaçon est spécifi­quement mis en place pour financer le terrorisme, précise Sébastien Cetti, de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Mais il y a un lien très fort entre la petite délinquance et le terrorisme à bas coût que l’on voit se développer. Dans le panel des sources de financement, on retrouve parfois la contrefaçon.»

Surfant sur la vogue du made in France, ­Sidney Toledano avance un autre argument : «Les contrefacteurs écrasent tout: la production, la qualité, la présentation, la créativité. L’Europe doit absolument se battre sur la propriété intellectuelle car la créativité, c’est ce qui fait notre différence, ce qui explique le succès des entreprises françaises dans le monde.» Egalement administrateur du Comité Colbert, le PDG de Dior est à l’origine de la prochaine campagne de sensibilisation qui sera lancée en octobre et s’adresse aux jeunes. «On veut les inciter à s’engager pour la défense du patrimoine et de la créativité. Il faut mettre en avant les valeurs éthiques. L’accès au luxe c’est la connaissance, pas l’accès à la consommation immédiate.» Coluche avait, en d’autres termes, déjà résumé la situation : «Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas…»

Paquet de cigarettes neutre: mon intervention en séance

Le 16 septembre, lors de la discussion du projet de loi de modernisation de notre système de santé, le Sénat s’est opposé au rétablissement de la disposition tendant à instaurer la neutralité et l’uniformisation des emballages de cigarettes et de tabac à rouler.

Insérée par l’Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, cette disposition prévoyait, d’une part, que les « unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés » et, d’autre part, qu’un « décret en Conseil d’État fixe leurs conditions de neutralité et d’uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d’inscription des marques et des dénominations commerciales sur ces supports ».

Le 22 juillet, la commission des affaires sociales du Sénat avait, sur mon initiative, substitué à cette disposition une stricte transposition de l’article 10 de la directive du 3 avril 2014 relative aux produits du tabac, qui prévoit que les avertissements sanitaires « recouvrent 65% de la surface extérieure avant et arrière de l’unité de conditionnement et de tout emballage extérieur », au lieu de 30% et 40% actuellement (voir mon amendement).

Le dispositif que j’ai fait adopter figure à l’article 5 decies du projet de loi. Légèrement modifié en séance publique, il est rédigé comme suit.

I. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 3511-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Les unités de conditionnement et les emballages extérieurs des cigarettes et du tabac à rouler portent, dans des conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé, des avertissements sanitaires associant un message d’avertissement et une photo ou une illustration correspondante qui recouvrent 65 % de leur surface extérieure avant et arrière. »

II. – Le I entre en vigueur le 20 mai 2016.

Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention sur l’amendement du Gouvernement.

J’ai défendu, contre l’avis du Gouvernement, l’existence des marques en matière de tabac. Ma position n’est en rien une prise de position contre la politique anti-tabac, mais elle est motivée par le principe même de la défense des droits de propriété industrielle.

Mon argument essentiel, sinon unique, a été basé sur la remise en cause du droit des marques et sur la brèche qui serait ainsi ouverte en France dans les droits de propriété industrielle. Je crains qu’une telle dénaturation du droit des marques ne serve d’exemple et d’encouragement à d’autres actions dans les domaines des dessins et modèles, du droit d’auteur, des marques et des brevets.

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Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Richard Yung. Je veux défendre la rédaction de l’article 5 decies retenue par la commission des affaires sociales. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je rappelle que la version que vise à rétablir l’amendement n° 639 du Gouvernement et qui a été adoptée par l’Assemblée nationale ne figurait pas dans le texte initial. Il y a donc eu en quelque sorte une deuxième réflexion lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale.

Pour ma part, à ce stade, je ne suis pas capable de dire si le fait d’aller au-delà de ce que prévoit la directive est un élément important dans la lutte contre le tabac. On évoque le cas de l’Australie. Il est vrai que c’est le seul pays à avoir instauré le paquet neutre, mais c’est surtout le seul à avoir fixé le prix du paquet de cigarettes à 14 euros ! Si nous le suivons dans cette voie, peut-être serons-nous efficaces dans la lutte contre le tabac.

Cela vous surprendra peut-être, mais je suis surtout préoccupé par l’atteinte au droit des marques et au développement de la contrefaçon que ce paquet neutre peut entraîner.

Gérard Longuet. Très bien !

Richard Yung. Ce paquet neutre, comme son nom l’indique, est un paquet de cigarettes anonymisé dont la forme, la couleur et la typographie sont rendues uniformes et aussi peu attractives que possible, puisque tel est l’objectif. Il réduit les marques à de simples dénominations en les amputant de leurs signes distinctifs.

Ce faisant, à mon sens, il porte atteinte aux éléments constitutifs de la marque, qui forment un chapitre important du droit de la propriété industrielle. Une marque, ce n’est pas seulement un nom ; c’est aussi une couleur, un dessin, un mouvement, des figures. Je comprends bien que l’idée consiste à les rendre anonymes, mais je pense qu’il s’agit d’une atteinte directe au droit des marques.

Supprimer l’un de ces éléments, c’est remettre en cause le droit du titulaire sur ses marques. Or une marque, c’est un élément important du bilan d’une entreprise. Sa valeur peut être considérable. C’est aussi un élément constitutif de l’identité de l’entreprise et de ses produits. Je crains que, si nous nous engageons dans cette voie, nous ouvrions une brèche dans les droits de propriété industrielle.

Enfin, cette dénaturation du droit de propriété devrait être compensée par « une juste et préalable indemnité », conformément à l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Or le projet de loi ne prévoit pas de mécanisme indemnitaire. En adoptant le paquet neutre, nous irons au-devant de nombreuses difficultés et nous heurterons à toutes les juridictions comme le Conseil constitutionnel ou l’Organisation mondiale du commerce. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

Le Sénat supprime le paquet de cigarettes neutre, contre l’avis du Gouvernement

Paris, France | AFP | mercredi 16/09/2015 – 15:45 UTC | mise à jour le mercredi 16/09/2015 – 16:21 UTC

Le Sénat, à majorité de droite, a supprimé mercredi la création du paquet de cigarettes neutre, vivement critiquée par les buralistes, contre l’avis du Gouvernement dans le cadre de l’examen du projet de loi santé.

La ministre de la Santé Marisol Touraine a aussitôt exprimé sa volonté de présenter à nouveau cette mesure en nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale, où la gauche est majoritaire. « Je n’ai pas entendu dans cet hémicycle d’alternative pour faire baisser de manière significative le nombre de victimes du tabac », a-t-elle dit.

Un amendement de la ministre, qui visait à rétablir cette mesure que la commission des Affaires sociales avait supprimée, a été rejeté par 228 voix, 16 sénateurs seulement votant pour, dont l’ensemble des écologistes, à l’issue d’un débat parfois animé.

Le groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) s’est abstenu, ainsi qu’une grande partie des sénateurs socialistes.

Les sénateurs de droite  se sont succédé pour dénoncer le fait que la France va plus loin que la législation européenne. Ils ont aussi défendu la profession de buraliste, créateur de lien social dans de nombreux territoires.

Le texte prévoit l’instauration à partir de mai 2016 de paquets de cigarettes neutres, ayant tous la même forme, la même taille, la même couleur et la même typographie, sans aucun logo. Le nom de la marque continuera toutefois d’apparaître en petit sur les paquets.

L’Assemblée nationale avait donné son feu vert à ce paquet neutre en avril.

La commission des Affaires sociales du Sénat a proposé à la place de suivre la directive européenne qui prévoit d’accroître la taille des avertissements sanitaires sur les paquets.

De nombreux sénateurs ont aussi été sensibles aux arguments du socialiste Richard Yung, qui y a vu une atteinte à la propriété intellectuelle. « Le paquet neutre anonymise le paquet de tabac, et ce faisant porte atteinte à la marque, et donc à la propriété industrielle », a-t-il fait valoir.

« Le gouvernement fait de la lutte contre le tabagisme une de ses priorités en matière de santé publique », a déclaré Mme Touraine. « Cela nécessite que l’on prenne des mesures fortes et audacieuses. Le paquet neutre est un élément d’une stratégie d’ensemble, qui passe de l’interdiction de fumer dans les lieux publics à la lutte contre les trafics ».

La vente des faux médicaments explose

La Fondation Chirac lance une campagne contre ce fléau qui fait des centaines de milliers de victimes chaque année.

C’est un triste paradoxe qui motive la nouvelle campagne de sensibilisation de la Fondation Chirac: «Le médicament de la rue tue.» Lancée hier pour deux mois, l’initiative, relayée par une vingtaine d’artistes et financée par la Fondation EDF et la CFAO, vise à alerter contre ce qui est en passe de devenir l’un des trafics criminels les plus juteux.

L’expression «faux médicament» recouvre plusieurs réalités: un produit sans molécule active ou en quantité insuffisante, avec des impuretés, voire des substances toxiques. Au final, ils sont discrètement responsables au mieux de la non-guérison, au pire de la mort de centaines de milliers de personnes chaque année.

Croissance exponentielle

«En moyenne, 10 % des médicaments dans le monde sont des contrefaçons, mais il y a des déséquilibres: en Afrique, où ils sont souvent vendus dans la rue à l’unité, on est à 60 %, en Amérique latine, à 30 %, et en Europe, à 1 %», explique Bernard Leroy, directeur de l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (Iracm). Si le Viagra est le médicament le plus trafiqué au monde, les produits vitaux ne sont pas épargnés: anticancéreux, antibiotiques, antipaludéens, vaccins… Et le phénomène connaît une «croissance exponentielle», selon l’Iracm. En juin dernier, une opération menée par Interpol dans 115 pays a saisi 20,7 millions de médicaments illégaux, pour une valeur de 72 millions d’euros.

Grâce à un circuit de distribution restreint et contrôlé, les pharmacies françaises restent bien protégées, même si la menace se rapproche. «Il n’y a aucune contrefaçon dans les officines françaises, affirme Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre des pharmaciens. Mais nous nous y intéressons, car cela rôde tout près de nos frontières, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Finlande…»

Des sanctions plus lourdes

Le consommateur français est en revanche plus exposé lorsqu’il achète en ligne: selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 50 % des médicaments vendus sur des sites non rattachés à une adresse physique seraient des faux. La vente de médicaments sur Internet a été autorisée en France en 2013, mais avec de fortes restrictions: le site doit émaner d’une officine identifiée et il ne peut s’agir que de produits sans ordonnance, ce qui implique que le Viagra, vendu en France sur prescription, ne peut se trouver légalement en ligne. Depuis le printemps, la législation européenne contraint en outre les sites légaux à afficher un logo (une croix blanche sur fond vert rayé) renvoyant vers la liste officielle des e-pharmacies autorisées (sur le site du ministère de la Santé en France).

Face à ce fléau, les acteurs s’arment à tous les niveaux. Depuis 2011, les industriels équipent leurs boîtes destinées au marché français de data matrix, des codes-barres à deux dimensions permettant une meilleure traçabilité. Tous les emballages doivent être scellés (pastille collante, carton prédécoupé…). «Le problème, c’est que les trafiquants se professionnalisent aussi dans l’imitation», déplore Isabelle Adenot. En vertu de la directive européenne «Médicaments falsifiés» de 2011, les 28 États membres devraient se doter dans les années à venir d’un système informatique mutualisé permettant, grâce à l’apposition d’un numéro unique sur chaque boîte de médicament, de détecter instantanément l’existence de doublons, et donc de faux, sur le continent. Vaste chantier.

Au niveau mondial, les experts saluent l’entrée en vigueur récente de la Convention Médicrime, qui instaure des peines spécifiques pour les contrefacteurs de médicaments. Ce texte élaboré en 2011 par le Conseil de l’Europe est le premier instrument juridique à alourdir les sanctions pour cette forme particulière de falsification, au motif qu’elle ne viole pas seulement la propriété intellectuelle mais menace la santé publique.

Pauline FRÉOUR

lefigaro.fr (15/09/15)

Lancement d’un comité de suivi des bonnes pratiques dans les moyens de paiement en ligne pour le respect du droit d’auteur et des droits voisins

Le 10 septembre, la ministre de la culture et de la communication, Fleur PELLERIN, et son collègue du ministère des comptes et des finances publics, Michel SAPIN, ont annoncé la création d’un comité de liaison entre les acteurs du paiement en ligne et les représentants des titulaires de droits d’auteur.

Je me félicite de cette initiative, qui marque la deuxième étape de la mise en œuvre du plan d’action du Gouvernement contre le piratage des œuvres sur Internet (voir mon article du 12 mars dernier). 

À l’instar de la charte des bonnes pratiques dans la publicité pour le respect du droit d’auteur et des droits voisins, signée le 23 mars dernier par les acteurs de la publicité et les représentants des ayants-droit, le comité de liaison contribuera, au moyen d’un partage des meilleures pratiques, à l’assèchement des ressources financières des sites spécialisés dans la contrefaçon d’œuvres en ligne.

Je souhaite que le CNAC s’inspire de cette démarche afin d’impliquer plus étroitement les intermédiaires de paiement en ligne dans la lutte contre les sites internet qui contreviennent aux autres droits de propriété intellectuelle.

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Projet du comité

Projet de création d’un comité de suivi des bonnes pratiques dans les moyens de paiement en ligne pour le respect du droit d’auteur et des droits voisins


La lutte contre la contrefaçon du droit d’auteur et des droits voisins est un facteur essentiel pour l’essor de la création et l’offre légale culturelle en ligne.

Certains sites de communication au public par voie électronique, qui peuvent être établis à l’étranger, déploient des activités lucratives reposant sur la diffusion ou l’encouragement à la diffusion non autorisée d’œuvres protégées par le droit d’auteur et les droits voisins. Les sites contrevenant massivement au droit d’auteur et aux droits voisins tirent une partie de leurs revenus d’un paiement direct par l’internaute. Leur activité porte atteinte à l’offre légale culturelle en ligne.

Les professionnels du paiement en ligne ont un rôle essentiel dans le développement de l’économie numérique. Ils sont attachés à maintenir des standards élevés de qualité pour les internautes comme pour l’ensemble du marché du commerce en ligne et à la nécessité de lutter contre les sites contrevenants.

C’est en ce sens qu’un comité de suivi au sein duquel les représentants des professionnels du paiement en ligne, d’une part, et des ayants droit, d’autre part, a été créé sous l’impulsion des pouvoirs publics. Ils pourront apprécier sur une base régulière les bonnes pratiques dans les moyens de paiement en ligne pour le respect du droit d’auteur et des droits voisins.

a) Le comité de suivi fait état des bonnes pratiques mises en place par les participants.

b) Le comité fait circuler toute information utile sur les sites contrevenants massivement au droit d’auteur et aux droits voisins.

c) Les participants tiennent compte des observations du comité dans le retrait des sites considérés comme contrevenants et s’engagent à prendre les mesures qu’ils jugeront nécessaires pour sensibiliser leur profession et en assurer l’effectivité, notamment, dans le respect de la réglementation, via l’établissement de listes d’adresses URL ou en utilisant éventuellement des outils technologiques.

d) Le comité identifiera les obstacles empêchant ou entravant le partage des bonnes pratiques entre acteurs.

e) Les pouvoirs publics, notamment le ministère de la Culture et de la Communication, sur la recommandation du comité, peuvent conduire des actions de valorisation des acteurs vertueux participant à cette démarche, auprès des professionnels et du grand public.

f) Le comité se réunit deux fois par an et rédige un rapport de synthèse qui est communiqué à la ministre de la Culture et de la Communication, que ce dernier peut rendre public.

g) L’évolution des missions et/ou l’extinction du comité de suivi sont décidées d’un commun accord entre ses membres et le ministère de la Culture et de la Communication.

Les participants s’engagent à donner à cette démarche la publicité adéquate, y compris à l’égard du grand public, et à y rechercher l’adhésion du plus grand nombre de parties prenantes.

Les participants :

L’AFMM, la FBF, le GESTE, le GIE Cartes bancaires, Mastercard, Paypal, Visa Europe, les organismes représentant les ayants droit : l’ADAGP, l’ALPA, le SNE, le SELL, le SNJV, la SACEM, la SCPP et la SPPF.

UE: la contrefaçon d’articles de sport explose

La vente d’articles de sport de contrefaçon coûte chaque année 500 millions d’euros aux fabricants légitimes de l’Union européenne, selon une étude de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) (https://oami.europa.eu/tunnel-web/secure/webdav/guest/document_library/observatory/resources/research-and-studies/ip_infringement/study3/sports_reports_fr.pdf) publiée ce matin.

Cela correspond à 6,5% de l’ensemble des ventes de ce secteur, souligne le document de cette agence chargée de gérer les systèmes d’enregistrement des marques dans les pays membres de l’UE.

Il en résulte la perte d’environ 2.800 emplois dans ce secteur, « étant donné que les fabricants vendent moins de produits qu’ils n’en auraient vendus en l’absence de contrefaçon, et emploient donc moins de personnes ».

De plus, « 360 millions d’euros supplémentaires sont perdus dans l’UE en raison des effets indirects liés à la contrefaçon d’articles de sport, dans la mesure où les fabricants achètent moins de produits et services aux fournisseurs ».

L’incidence sur les recettes publiques de la baisse d’activité économique dans le secteur privé légitime est de son côté estimée à 150 millions d’euros.

En France plus particulièrement, qui produit 15% de la production totale des articles de sport de l’UE pour environ 800 millions d’euros, la contrefaçon coûte 82 millions d’euros par an au secteur, précise l’OHMI.

lefigaro.fr/AFP (10/09/15)

Douanes : plus de 500 tonnes de tabac de contrefaçon saisies en six mois

Alors que les buralistes français dénoncent régulièrement une explosion du marché parallèle, due aux différences de prix entre les pays européens et à la vente par internet, les douanes annoncent avoir saisi au premier semestre quelque 507 tonnes de tabac de contrefaçon, contre près de 423 tonnes pour l’ensemble de l’année 2014.

Cette explosion des saisies peut être interprétée de deux façons. Soit les agents des douanes ont démantelé davantage de réseaux internationaux grâce à la coopération avec les services étrangers. Soit, ce trafic est en forte hausse et ces saisies records sont proportionnelles à l’ampleur du phénomène. En France, plus d’un quart (26,3%) des cigarettes consommées n’ont pas été vendues par les débitants de tabac, selon une étude réalisée en 2014 par le cabinet d’études KPMG. Et ce trafic risque encore d’être accentué avec l’interdiction au 1er janvier de la vente de tabac sur internet.

Il y a quelques jours, les agents des douanes ont saisi dans le port du Havre (Seine-Maritime) 15 tonnes de tabac à narguilé dans un conteneur en provenance de Dubaï, pour une valeur estimée à 450 000 euros. Le 20 juillet, les douaniers de Laon (Aisne) ont appréhendé, sur l’autoroute A26 un poids lourd immatriculé en Croatie. Les documents présentés par le chauffeur indiquaient le transport de produits alimentaires. A l’ouverture de la remorque, les agents des douanes ont découvert 926 cartons contenant au total 46 300 cartouches de cigarettes de contrebande des marques CHE, portant la mention « vente en France » et RICHMAN.

Ce type de trafic arrive souvent par le nord de la France, via Calais, Dunkerque, Le Havre, en provenance des Émirats Arabes Unis, des pays de l’Est ou du Royaume-Uni. Les «passeurs» usent aussi de tous les stratagèmes possibles. Il y a presque un an, les agents de Lons-le-Saunier avaient ainsi intercepté 1,5 tonne de tabac à narguilé dans un van de transport de chevaux qui effectuait un transit entre Genève en Suisse et la Belgique…

«La lutte contre les marchés parallèles de tabac, enjeu majeur en termes de santé publique et de préservation des recettes de financement de la sécurité sociale, constitue l’un des objectifs prioritaires assignés par le Gouvernement à la Douane, qu’il s’agisse de trafics à grande échelle (réseaux internationaux) ou de «trafic fourmi», ces importations de petites quantités par des particuliers», a expliqué Christian Eckert, secrétaire d’État au budget en déplacement à l’aéroport de Roissy.

leparisien.fr (03/09/15)