Lutte anti-contrefaçon et accompagnement des entreprises à l’international

Le 18 novembre, je me suis entretenu avec le directeur général adjoint de HP France, Kim Trinh-thieu, et deux de ses collaborateurs. La société Hewlett-Packard, bien connue, est l’un des leaders mondiaux du marché des ordinateurs personnels et du secteur de l’impression. L’objet de l’entretien était d’envisager les différentes mesures possibles pour « limiter la croissance » des cartouches d’impression dites « clones » sur le marché français. Fabriquées en Chine et importées illégalement en Europe et en France, ces cartouches neuves compatibles avec les imprimantes HP ne respectent pas la réglementation en vigueur. Elles présentent notamment des risques pour la santé (émanations toxiques, etc.) et l’environnement (plastique non recyclable, etc.). J’ai suggéré à M. Trinh-thieu de se rapprocher de l’Union des fabricants (Unifab), des associations de consommateurs et du conseiller pour la propriété intellectuelle du service économique régional de l’ambassade de France en Chine.

Le même jour, j’ai rencontré le directeur général de Business France, Christophe Lecourtier, et le directeur des affaires parlementaires de Business France, Pascal Lecamp. Nous avons fait le point sur la mise en œuvre de la réforme du dispositif public d’appui au développement international des entreprises (Team France Export). Lancée en février 2018, cette réforme vise, d’une part, à favoriser la montée en puissance des ETI et PME déjà exportatrices (8.000 ETI et PME de croissance, 62.000 PME exportatrices régulières) et, d’autre part, à sensibiliser et préparer davantage d’entreprises à l’export. Elle comprend deux volets.
En France, des guichets uniques (bureaux Team France Export) ont été mis en place dans les 13 régions métropolitaines. Les deux dernières régions métropolitaines à avoir signé une convention Team France Export sont les régions Bretagne (1er juillet) et Grand Est (19 novembre). La Réunion et Mayotte ont également signé une convention Team France Export. Les guichets uniques associent les chambres de commerce et d’industrie (CCI), Bpifrance et Business France. Répartis sur tout le territoire, des conseillers internationaux issus des CCI et de Business France sont désormais chargés de détecter et préparer les entreprises à l’international.
À l’étranger, des guichets uniques ont déjà été mis en place dans 65 pays. D’ici à 2022, plus de 100 pays bénéficieront d’un guichet unique. Dans neuf pays, Business France s’est désengagé au profit de la CCI française locale ou d’un autre acteur privé. Ces partenariats prennent la forme de concessions de service public ou de marchés publics de services (Belgique, Hong Kong, Hongrie, Japon, Maroc, Norvège, Philippines, Russie et Singapour). Dans les pays où il demeure présent, Business France est le référent unique de la Team France Export. Par ailleurs, Business France procède au référencement d’opérateurs privés qui pourront être recommandés par la Team France Export pour fournir des services complémentaires (conseil juridique et fiscal, domiciliation, etc.).
Le dispositif Team France Export est mis en place avec succès dans la plupart des pays et des régions. Deux outils numériques ont par ailleurs vu le jour, à savoir une plateforme des solutions et un dispositif de gestion de la relation client. Dénommé One Team, ce dernier permet d’assurer de manière mutualisée le suivi des entreprises. Piloté par Business France, ce système de partage d’informations a été déployé dans toutes les régions. Il est accessible aux membres de la Team France Export, qui devront « l’alimenter pour maintenir à jour et au meilleur niveau les bases de données relatives au marché qui en constitueront la substance ».

Transposition du « paquet marques»: vers un renforcement de la lutte contre la contrefaçon

Le 14 novembre, le Gouvernement a publié une ordonnance relative aux marques de produits ou de services.

Prise sur le fondement de l’article 201 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, cette ordonnance a pour objet principal de transposer la directive du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques. Cette transposition vise à moderniser et rendre plus performants les dispositifs de protection des marques.

L’ordonnance prévoit notamment :

  • la possibilité de déposer de nouveaux types de marques (marques sonores ou animées) ;
  • la réduction du coût du dépôt pour les marques visant une seule classe de produits ou de services ;
  • la mise en place de deux régimes distincts de marques collectives (marques exploitées par une pluralité d’acteurs) et de marques de garantie (marques présentant des garanties quant à certaines caractéristiques des produits ou services visés) ;
  • la création d’une procédure administrative de nullité et de déchéance des marques (possibilité, pour les tiers, d’introduire, directement auprès de l’Institut national de la propriété industrielle, une requête en nullité ou en déchéance d’une marque portant notamment atteinte à leurs propres droits et titres).

Afin de renforcer la lutte contre la contrefaçon, l’ordonnance prévoit la sanction des actes préparatoires à la contrefaçon, notamment « l’apposition d’un signe identique ou similaire à la marque sur des conditionnements, des étiquettes ou plus généralement sur tout autre support sur lequel la marque peut être apposée ».
Par ailleurs, elle ouvre la voie au rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises qui, d’une part, sont soupçonnées de contrefaire des marques nationales et, d’autre part, sont en transit en provenance d’un État tiers à l’UE et à destination d’un autre État tiers (transit externe). Ce faisant, elle opère un renversement de la jurisprudence dite « Nokia-Philips ». Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 1er décembre 2011 dans les affaires « Nokia » et « Philips », la Cour de justice de l’Union européenne conditionne l’intervention des autorités douanières à la nécessité de prouver que les marchandises en transit externe soupçonnées de contrefaçon « sont destinées à une mise en vente dans l’Union européenne ».

Il convient de préciser que les contrôles douaniers sur les marchandises en transit externe soupçonnées de contrefaire des marques communautaires ont été rétablis à la suite de l’entrée en vigueur du règlement du 16 décembre 2015 sur la marque communautaire.

Conférence du CNAC sur l’actualité du droit des dessins et modèles

La dixième conférence du CNAC s’est tenue au Sénat le jeudi 14 novembre. Elle avait pour thème l’actualité du droit des dessins et modèles.

Le président de l’Union des fabricants (Unifab) et du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), Christian PEUGEOT, a présenté la position de l’Unifab sur la consultation publique sur la législation européenne en matière de dessins et modèles. Cette consultation a été réalisée par la Commission européenne entre décembre 2018 et avril 2019. L’Unifab propose notamment d’allonger la durée de la protection des dessins et modèles non enregistrés (10-15 ans au lieu de 3 ans), de rendre possible la conversion d’un dessin et modèle non enregistré en un dessin et modèle enregistré ainsi que de créer un « service optionnel » permettant de vérifier la nouveauté d’un dessin ou modèle avant le dépôt.
Par ailleurs, M. PEUGEOT a présenté la position du CCFA sur la libéralisation du marché des pièces détachées visibles pour l’automobile. Prévue par le projet de loi d’orientation des mobilités, cette libéralisation se traduira par une remise en cause de la protection des pièces de rechange automobiles par le droit des dessins et modèles. Les pièces relatives au vitrage, à l’optique et aux rétroviseurs seront concernées dès le 1er janvier 2020. La libéralisation du marché des autres pièces de rechange visibles – essentiellement les pièces de carrosserie – sera effective à compter du 1er janvier 2021. M. PEUGEOT estime que cette mesure sera « lourde de conséquences ». Selon lui, elle constitue une « rupture d’égalité devant l’accès à la propriété intellectuelle ». Elle revient à exproprier un secteur économique d’une partie de ses droits. Il craint que d’autres secteurs économiques ne subissent le même sort.

Dans un deuxième temps, le président de la commission « dessins et modèles » de l’association des praticiens du droit des marques et des modèles (APRAM), Pierre MASSOT, avocat au barreau de Paris, a exposé les raisons pour lesquelles les dessins et modèles jouent un rôle de plus en plus stratégique dans la protection du design. Il a également présenté les enjeux de la future réforme du droit européen des dessins et modèles. Enfin, il a présenté l’arrêt « historique » que la Cour de justice de l’UE a rendu le 12 septembre dernier dans l’affaire Cofemel contre G-Star. Cet arrêt concerne la protection des dessins et modèles par le droit d’auteur. Selon la cour de Luxembourg, « la protection au titre du droit d’auteur ne peut pas être accordée à des modèles au seul motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci produisent un effet esthétique ». Vous pouvez prendre connaissance de la présentation de Maître MASSOT en cliquant ici.

Nous avons également eu le plaisir d’entendre le point de vue pratique de la directrice juridique de la maison Balenciaga, Valérie BUDD. Elle a notamment indiqué que l’arrêt de la CJUE « va permettre de rappeler à l’ordre les juridictions nationales ».

Ces trois interventions très intéressantes ont été suivies d’un échange avec la salle, au cours duquel a notamment été évoquée l’idée de créer un droit sui generis pour le design.